J'avais reconnnu l'adversaire que j'avais à combattre - le faux héroïsme qui préfère envoyer les autres à la mort, l'optimisme facile des prophètes sans conscience, politiques aussi bien que militaires, qui, promettant sans scrupules la victoire, prolongent la boucherie ; et derrière eux, le choeur stipendié de tous ces "phraseurs de la guerre" que Werfel a mis au pilori dans son beau poème.
Quiconque exprimait un doute les gênait dans leur commerce patriotique ; quiconque prodiguait ses mises en garde, ils le traitaient de pessimiste et se moquaient de lui ; quiconque combattait la guerre, dont eux-mêmes n'avaient pas à souffrir, ils le stigmatisaient comme un traître.
C'était toujours la même clique, éternelle à travers les âges, de ceux qui appellent lâches les prudents et faibles les plus humains, pour demeurer eux-mêmes désemparés au moment de la catastrophe qu'ils ont provoquée par leur légèreté. C'était toujours la même bande, la bande de ceux qui bafouaient Cassandre à Troie, Jérémie à Jérusalem, et jamais je n'avais compris le tragique et la grandeur de ces figures comme en ces heures trop pareilles à celles qu'ils avaient vécues.
Stefan Zweig, Le Monde d'hier
Lu récemment le monde d'Hier, un peu sur les conseils de Fred Delorca. J'y trouve cet extrait, qui vise les partisans enthousiastes de la première guerre mondiale. Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec les partisans enthousiastes de l'euro, qui tenteront tout pour faire triompher leur hubris souverainiste. Jusqu'au dernier grec.
Le manque de temps, mais aussi d'intérêt, m'empêchent de commenter comme il le faudrait les péripéties du "sauvetage" de la monnaie unique.
J'ai juste entendu Jacues Attali sur Inter ce matin, assurer qu'abandonner l'euro serait perdre 30% de croissance. Ca tombe bien, la croissance française sera nulle cette année... Il a ajouté que la mise en ordre de la zone euro permettrait à la croissance de repartir, grâce à l'arrivée de capitaux étrangers. Quel formidable aveu d'échec ! Il a donc fallu unifier la zone euro à coup de saignées récessives pour aboutir à une situation où, comme dans n'importe quel pays en voie de développement conseillé par l'attelage FMI/Banque Mondiale, le salut viendra de la bienveillance des investisseurs étrangers !
Tant d'efforts pour construire la plus formidable zone de croissance de la planète ; enfin rendue indépendante de l'extérieur, sauvant des pays "trop petits pour s'en sortir seuls" et en arriver à tendre la sébille, le doigt sur la couture du pantalon ! Quelle déroute !
Faut-il enfin, face à cela, manifester le 30 septembre ?
Je suis favorable à un référendum sur le TSCG, ce nouveau tour de vis européen (je sais que certains écrivent que le TSCG permet d'avoir un déficit structurel de 0,5%, ce qui serait plus favorable qu'un déficit tout court de 3%. Qui apprécie les 0,5 % La Commission. Comment calcule-t-on un déficit "structurel" ? En réalité, personne ne le sait. On peut donc faire ce que l'on veut en matière de définition, et cette règle de 0,5% revient à donner un contrôle budgétaire absolu à "Bruxelles").
A priori, je suis donc favorable à cette manifestation. Je regrette juste que le Front de gauche soit en tête de la mobilisation. Je n'oublie pas que le Front de gauche soutient l'euro, pour des raisons incompréhensibles, feignant de croire qu'un euro différent est possible sans bafouer l'Allemagne et quelques autres pays. J'y serai donc peut-être, mais en traînant les pieds.
Et je souhaite que Hollande comprenne le plus tôt possible que son soutien à l'euro lui coûtera sa réélection.