Les années 80 durent depuis trente ans. L’entrepreneur paradigmatique est né avec elles, et son ascension a été parallèle à celle de Jean-Marie Le Pen, comme un utile complément, ou un moyen de le valoriser en lui offrant un adversaire à sa mesure, et qui pourrait valoriser son image, un double inversé. L’entrepreneur paradigmatique donne des leçons sur tout, mais personne ne peut expliquer quelle entreprise il a vraiment dirigé, ou créé. Celui que l’on a choisi comme l’entrepreneur paradigmatique n’est que le faux masque de capitaux qui s’avancent masqués, sur des spéculations financées sur fonds publics, et dont il tient la plume et le crachoir. Personne ne sait d’où il vient, sa biographie sur wikipedia ressemble à une success story à l’américaine, et tout y est improbable. Personne ne sait s’il a un certificat d’études ou un diplôme d’ingénieur dont il se réclame. Personne ne note qu’il est invraisemblable qu’il soit aussi diplômé et que sa seule carrière professionnelle connue soit celle d’un vendeur de télés et de frigos, comme si un diplômé des années 60 n’avait pas eu d’autre débouché, ou alors peut-être un immense amour de l’entreprise l’a poussé.
Il a tout fait, chanté comme Raël, donné son nom à des entreprises de dépeçage, reçu d’organismes officiels jusqu’au premier centime de ses spéculations, et lorsqu’il perdait ses procès, le monarque lui a octroyé des fortunes, qu’il a placées hors du pays. Il a été partout où il y avait des caméras, aucun biographe ne sait d’où vient son argent, comme si cela n’était pas la question essentielle, comme si l’on pouvait faire du journalisme qu’en ne décrivant le reflet des apparences dans l’oeil du public.
L’époque du “retour de l’entreprise” s’est choisi un dépeceur comme exemple de la volonté d’entreprendre, dans cette ironie tragique d’une époque fallacieuse, au miroir sans tain de la falsification. Le néolibéralisme publicitaire s’est doté d’une icône falsifiée.
L’entrepreneur paradigmatique n’est qu’un vêtement vide, dont on ne sait même pas s’il existe sous cette identité, s’il n’est pas que l’homme de paille d’un système qui devait briser l’homme, et le projeter dans un système qui serrera l’étau sur lui chaque jour davantage.