Glitch, Tome 1 :
de Heather ANASTASIU(Challenge YA / Jeunesse - 46/24)
Robert Laffont (Collection R),
2012, p. 369
Première Publication : 2012
Pour l'acheter : Glitch, Tome 1
Heather Anastasiu, jeune auteur de vingt-neuf ans,
a déjà été publiée dans plusieurs journaux américains.
Elle vit actuellement au Texas avec son mari et son fils.
Parallèlement à l'écriture de la trilogie Glitch,
elle poursuit une thèse en littérature jeunes adultes.
Robert Laffont. Merci à la Collection R pour cette découverte...
Dans une société souterraine ou toute émotion a été technologiquement éradiquée, Zoe possède un don qu'elle doit à tout prix dissimuler si elle ne veut pas être pourchassée par la dictature en place.
L'amour lui ouvrira-t-il les portes de sa prison ?
Il y a deux siècles de cela, l'humanité a payé au prix fort ses appétits démesurés lorsque le feu de mille armes nucléaires a littéralement rasé la surface de la planète. Sous terre, au sein de la Communauté, la souffrance et la guerre ne sont plus que de lointains souvenirs : des puces implantées dans le cerveau de ses membres ont permis d'éradiquer enfin toutes ces émotions qui ont bien failli mener les hommes à leur perte.
Lorsque la puce de Zoe, une adolescente technologiquement modifiée, commence à glitcher (bugger), des vagues de sentiments, de pensées personnelles et même une étrange sensation d'identité menacent de la submerger. Zoe le sait, toute anomalie doit être immédiatement signalée à ses Supérieurs et réparée, mais la jeune fille possède un noir secret qui la mènerait à une désactivation définitive si jamais elle se faisait attraper : ses glitches ont éveillé en elle d'incontrôlables pouvoirs télékinésiques...
Sa liberté nouvellement acquise va toutefois lui donner des ailes et, tandis que Zoe lutte pour apprivoiser ce talent dévastateur tout en restant cachée, elle va rencontrer d'autres jeunes Glitchers : Max le métamorphe et Adrien, qui a des visions du futur. Ensemble, ils vont devoir trouver un moyen de se libérer de l'omniprésente Communauté et de rejoindre la Résistance à la surface, sous peine d'être désactivés, voire pire...
Malheureusement, entre Glitch et moi, ça n’a pas été le coup de foudre. Et si le côté dystopique n’est finalement pas trop mauvais, les personnages manichéens, l’héroïne agaçante et la mise en place de l’intrigue n’ont pas réussi à rattraper l’ensemble.
Ma plus grosse déception et irritation à la lecture de Glitch concerne les personnages. Tous les personnages. Aucun ne sauve son voisin, qualitativement parlant, à mon goût.
L’héroïne, pour commencer est une jeune fille perturbée par les disfonctionnements de la puce implantée dans sa nuque, à la base de son cerveau. Détachée du Lien pendant les bugs, elle découvre des sensations et sentiments jusque là inconnus. Il est évident que, à cause de sa vie jusque là complètement bridée, Zoel - qui se fait appeler Zoe dès qu’elle commence à savoir penser par elle-même - est extrêmement naïve et manipulable. Oui, mais quand même, il y a des limites. Je veux bien que, découvrant tout du comportement humain normal, elle ait du mal à s’adapter et fasse parfois les mauvais choix. Parfois, pas systématiquement. Voilà donc le retour du reproche fait précédemment dans ma chronique du premier tome de Phaenix (autre livre de la Collection R) : pourquoi se sentir obligé de mettre en scène une héroïne gourde, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez lorsqu’il s’agit d’amour ? Est-ce qu’une jeune fille de 16/17 ans découvrant l’amour est obligatoirement aveugle et incapable d’y voir clair ? On veut nous servir des héroïnes fortes, déterminées, sensées et nianiania mais dès qu’un jeune homme (enfin souvent deux… le triangle amoureux c’est tendance) entre dans leur champ de vision, neurones il n’y a plus. Et ça m’énerve. Enormément.
Parlons des deux jolis cœurs maintenant. Alors c’est bien simple, l’auteure nous sert les deux contraires (c’est bien connu, dans la vie, t’es tout noir ou tout blanc) et entre la brute stupide et l’amorphe mystérieux, mon cœur balance… Maximin (surnommé Max) ou Adrien ? Le désinvolte ou le résistant ? Moi je dis : aucun des deux. Je ne suis pas contre les romances adolescentes (malgré mon côté aigri et acariâtre, je suis une vraie fleur bleue… si si, je vous assure !) mais là… mais comment vibrer face à des héros au charisme de moules (oui, oui, je sais que vous l’aimez bien celle-ci !) et comment s’identifier à une héroïne gourdasse ? Impossible, je ne marche pas.
Outre les amourettes qui prennent énormément de place dans ce premier tome (malheureusement), on découvre quelques petits trucs sur le passé de Zoe et on apprend une ou deux choses sur les actions de la Résistance. Mais ça reste maigre face à l’ampleur des sentiments et sensations de la demoiselle. Elle s’ouvre aux émotions humaines, normal qu’on le vive avec elle… mais quand même.
J’ai, qui plus est, trouvé le schéma narratif étrange. Je m’explique. Avec n’importe quel livre, vous pouvez, si vous le souhaitez, tracer une ligne et y installer tous les évènements qui surviennent dans le texte. Pour ma part, j’aime que la mise en place (la situation initiale, dixit les livres de « théorie ») prenne son temps pour qu’on puisse apprendre à connaître et apprécier les personnages notamment, et que le rythme aille croissant dès l’arrivée de l’élément déclencheur et ce, jusqu’au dénouement. Bref, un schéma classique. Alors je ne suis pas du tout contre les auteurs qui jouent avec ces codes, bien au contraire, mais encore faut-il que tout soit bien calé et que ça colle… ce qui n’est pas le cas ici, à mon goût. En effet, le lecteur n’a même pas le temps de faire connaissance avec l’héroïne, que celle-ci s’enfuit avec Adrien pour rejoindre la Résistance. Je ne spoile pas, ça se passe dans les 60 premières pages. Bon, déjà, vous vous enfuiriez vous, mesdemoiselles, avec un parfait inconnu, dans un endroit inconnu et potentiellement dangereux (en tout cas, c’est ce qu’on vous apprend depuis toujours), alors que vous venez tout juste de découvrir l’existence des sensations humaines normales et que vous commencez tout juste à envisager une vie autre que celle qu’on vous impose depuis votre naissance ? Moi non. Je finirai sans doute par prendre cette décision, mais pas après 40 pages du livre. Je pensais qu’on arriverait à cette conclusion à la fin de l’ouvrage. L’idée de prendre à revers le lecteur est plutôt bonne, mais mal utilisée ici, à mon sens. Ensuite, dans la suite des évènements, j’ai eu comme une impression de « retour en arrière ». On dirait qu’à partir de la centième page, l’héroïne vit enfin ce qu’elle aurait dû vivre au départ et ce n’est qu’à partir de ce moment-là qu’on apprend véritablement à la connaître. Je ne sais pas si je suis très claire mais le déroulement du texte ne l’est pas lui-même. Bref, je ne me suis pas ennuyée pendant ma lecture mais j’ai eu une sensation désagréable.
Par contre, à mon sens, Heather Anastasiu aurait dû rester sur cet aspect « vraisemblable » de la science-fiction. On peut imaginer que le gouvernement parviendra à nous implanter, grâce à une raison X ou Y, dans un futur plus ou moins lointain, une puce qui nous contrôlera mais qu’il y aura des ratés car l’humain n’est pas un ordinateur et que l’esprit n’est jamais loin. Soit, ça fonctionnerait très bien. Mais voilà que l’auteure ajoute des histoires de « pouvoirs » étranges, révélés par les glitcheurs (ceux qui se déconnectent du Lien plus ou moins fréquemment à cause d’un bug de la puce). De la télékinésie à la vision infrarouge en passant par une sorte de « métamorphisme »… mouais. Les explications de ces dons ne sont pas vraiment au rendez-vous, ou alors sont très survolées et je ne suis pas convaincue. C’est peut-être un attrait supplémentaire pour certains lecteurs, pour moi c’est un frein à la crédibilité générale et c’est dommage. Parfois, en se contentant de quelque chose de plus « modeste », de moins « tape-à-l’œil », on parvient à un meilleur rendu.
Quelques mots encore pour vous parler de la plume (enfin, de la traduction, comme d’habitude). Et bien, l’auteure utilise le point de vue interne (pourquoi pas, ça fonctionne généralement bien) mais choisit d’employer le présent et là, vraiment, j’ai de plus en plus de mal. Je suis has been, je sais, mais moi j’aime les temps du récit. Je sais qu’un présent de narration peut être très bien puisqu’il insiste sur l’urgence et donne un rythme plus soutenu au récit… mais encore faut-il qu’il soit utilisé à bon escient. Et je suis désolée, mais dans la plupart des livres Young adult lus dernièrement, le présent est mal utilisé et ça me fait mal. Bon, la lecture n’a pas été désagréable, mais je n’ai pas retrouvé l’engouement ressenti avec Phaenix, malgré les quelques défauts comportant également ce texte.
Des amourettes adolescentes sans profondeur qui prennent trop de place et empêchent de se concentrer sur l’aspect dystopique, peu original mais assez bien amené, de cette histoire. Dans le même genre et dans la Collection R, je conseille largement plus Starters, qui, malgré quelques points faibles, avait l’avantage de l’originalité et de l’intrigue véritablement surprenante.
"Je plonge mon regard dans la petite boîte que Max tient sous mon nez et j'avise une épaisse tranche de matière brune et spongieuse.
- Mais qu'est-ce donc que cette merveille ?
- Ça s'appelle un gâteau au chocolat. Attends de le goûter tu vas comprendre."