Patrimoine - Une histoire vraie, de Philip Roth
Par Onarretetout
C’est en accompagnant les derniers mois de la vie de son père que Philip Roth se pose la question de l’héritage. Ayant d’abord considéré qu’il n’avait besoin de rien, il s’est peu à peu dit qu’il aurait aimé garder quelque chose de cet homme. Un objet ? Le bol à raser qui venait de son grand-père (le père de ce père), par exemple. Les histoires qu’il racontait, celles de son passé, le nom du commerçant qui tenait cette boutique dans cette rue, les histoires des Juifs de Newark, et aussi celles des Gentils, des histoires qu’on écoute avec une sorte de respect parce que celui qui les raconte est vieux, malade, le visage déformé, une tumeur dans le crâne. Et c’est tout ça, le patrimoine. C’est aussi la merde qu’il faut nettoyer quand le vieillard a « chié dans [son] froc ». Me revient la scène éprouvante et répétée du spectacle de Romeo Castellucci, Sul concetto di volto nel figlio di Dio, où un fils nettoie son père, qui pleure de ne pouvoir se retenir. La scène du livre de Philip Roth est un peu différente, mais le malaise est le même. « Non que nettoyer la merde fût symbolique d’autre chose, mais précisément parce que ce ne l’était pas, parce que ce n’était ni plus ni moins que la réalité vécue que c’était ». Et cette réalité vécue par le fils, ou racontée par le père, voilà ce qu’il faut garder. « On ne doit rien oublier. » C’est la dernière phrase de ce livre, publié en 1991, soit 16 ans avant Un homme.
Sur la question de l'héritage, Jan Lauwers défend un autre point-de-vue dans La Chambre d'Isabella.