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Vel d’Hiv : François Hollande, en vérité

Publié le 14 septembre 2012 par Rolandlabregere

En juillet 1942, 13152 juifs étrangers réfugiés en France dont plus de 4.000 enfants sont  arrêtés. Parce que les victimes furent regroupées au Vélodrome d’Hiver à Paris afin d’être conduites dans les camps français de Drancy, Beaune-la-Rolande et Pithiviers et ultérieurement acheminées vers des camps d’extermination nazis, cet événement est désigné par le nom de Rafle du Vel d’Hiv. Les historiens s’accordent pour la définir comme l’acte de collaboration le plus grave entre le gouvernement de Vichy et l’occupant nazi.

Soixante-dix ans plus tard, le président de la République, dans un discours solennel prononcé sur le site de l’ancien Vélodrome d’Hiver a reconnu la responsabilité historique de la France dans cet événement. Il a fallu trois quart de siècle pour que cela fût dit officiellement, trois quart de siècle pour que le message de l’Etat s’accorde avec la vérité des faits.

En collant aux événements historiques dont l’évocation questionne la place de la mémoire, le président de la République a ouvert la porte de la cage où était remisé un tabou majeur de la France d’après-guerre. Toujours attaché aux capacités pédagogiques de l’anaphore, il souligné l’indiscutable vérité de l’implication de la police française : « La vérité, c'est que la police française, sur la base de listes qui avaient été établies, s'est chargée d'arrêter des milliers d'enfants et de familles. (...) La gendarmerie les a escortées jusqu'aux camps d'internement. La vérité, elle est dure, elle est cruelle, c'est que pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l'ensemble de cette opération. La vérité, c'est que le crime fut commis en France par la France (…) La vérité c'est que le crime du Vel d'hiv fut aussi commis contre la France, contre ses valeurs, contre ses principes, contre son idéal ».

En terminant son discours par la question de la transmission, le Président se place dans un rôle auquel l’ancien pouvoir avait délibérément tourné le dos. La réaction du scribe favori de l’ex-président en témoigne. Pas question pour lui de copiner avec des faits clairement établis. « La France n’a rien à voir avec cela », s’est écrié l’ex-conseiller vraiment spécial. C’est pourtant en considérant cette page comme l’une des plus sombres du XXème siècle qu’un nouvel horizon collectif pourrait s’incarner. « La vérité ne divise jamais, elle rassemble. Il me revient désormais, dans la longue chaîne de notre histoire (...) de poursuivre le travail commun de mémoire, de vérité et aussi d'espoir. Ce travail commence par la transmission » a ajouté le Président. La citoyenneté, en effet, se construit par l’adhésion à un récit partagé, compris par le plus grand nombre. Ce récit se transmet pour devenir une chaîne dont chaque maillon consolide l'ensemble. Connaître incite à comprendre. L’ignorance stimule les engagements irréfléchis, hasardeux et superficiels.

Vel d’Hiv : François Hollande, en vérité

Devant une ferme, commune du Faÿ-sur-Lignon (Haute-Loire)

 Un sondage publié une semaine après le soixante-dixième anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv informe qu’une majorité des moins de 35 ans ignore jusqu’au nom de cet événement, la proportion atteignant 60% des 18-24 ans. L’Ecole a naturellement un rôle de premier plan à jouer mais son action risque d’être mal comprise si les relais publics ne participent pas à l’éducation  à la citoyenneté. La transmission suppose la possibilité de dialogue, d’écoute et d’esprit critique. Ce dernier, dit le philosophe Luc Boltansky, « doit être réhabilité dans le débat public comme dans la vie ordinaire » (Le Monde 12 juillet 2012). La connaissance et la compréhension de faits forment la conscience du citoyen. La citoyenneté n’a rien d’un acte administratif. Elle repose au contraire sur une dynamique collective. Nul ne peut en effet se prévaloir d’être citoyen en solo.

Vel d’Hiv : François Hollande, en vérité
A Chambon -sur-Lignon, plaque commémorative de l'action collective pendant l'Occupation

Les racines de la République plongent dans l’humanisme du 18ème siècle. C’est l’usage de l’esprit critique et l’implication de ceux qui font vivre les institutions qui donnent sens et consistance à la vie citoyenne.

La reconnaissance de la Rafle du Vel d’Hiv comme événement franco-français a mis soixante-dix ans. Plantu, dessinateur veilleur de la premier page du  journal Le Monde nous montre une vérité à faire sourdre. Il a fallu soixante-dix ans pour que la vérité sur cette rafle soit énoncée sans ambiguïté alors que les historiens avaient depuis bien longtemps accompli leur travail d’exploration.

Vel d’Hiv : François Hollande, en vérité

Le Monde, Plantu, le 24 juillet 2012

 La guerre d’Algérie a commencé le 1er novembre 1954. Si nous retenons cette date pour déclencher le retro-chronomètre, c’est le 1er novembre 2024 que bien des vérités inhérentes à ce conflit pourront être dévoilées. Si c'est la date de la fin de la guerre d'Algérie qui est retenue (19 mars 1962), il faudra attendre 2032. La vérité a un devoir d'impatience.


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