Aujourd'hui, La Banque Postale organisait sa première Journée de l'Innovation, à laquelle j'ai eu le plaisir et l'honneur d'être invité, à la fois comme auditeur et pour participer à une table ronde sur la banque de demain. Je vous propose de revenir (avec mes commentaires) sur quelques temps forts de cet événement...
Mais plantons d'abord le décor, puisque l'innovation commençait par là. En effet, cette journée n'était pas réservée aux collaborateurs de la banque et un certain nombre de blogueurs et journalistes étaient également présents dans l'assistance. Surtout, la matinée était retransmise en direct, publiquement, sur DailyMotion et un hashtag (#lbplive) permettait de suivre aussi son déroulement sur Twitter et, pour ceux qui n'étaient pas sur place, de poser leurs questions (il y en a eu malheureusement beaucoup trop pour les prendre toutes). Le message de l'ouverture de La Banque Postale sur le monde ne pouvait être plus clair !
Ce sont donc plus de 150 personnes qui ont rempli l'auditorium du siège de la banque, pour suivre très attentivement les présentations et interventions orchestrées par l'excellent Grégory Pouy.
Le premier intervenant et, là encore, c'est un message fort (et rare dans les entreprises) qui était adressé aux collaborateurs de La Banque Postale, n'était autre que Philippe Wahl, son président. En quelques minutes, il a affirmé son engagement pour l'innovation tout en l'inscrivant dans la stratégie de l'établissement : la volonté de penser au client d'abord (et le prouver), en préservant la sécurité (à tout prix) et sans jamais oublier que les technologies n'ont pas de valeur intrinsèque, si ce n'est dans leurs usages.
La mise en avant de la garantie de sécurité a, semble-t-il, marqué les esprits dans la salle. La préoccupation est absolument légitime, surtout quand elle est mise en perspective des 26 millions de comptes gérés par La Banque Postale, même si elle peut apparaître comme un frein à l'innovation. Mais Philippe Wahl en a donné aussi la limite : tous les services n'ont pas besoin des mêmes niveaux de protection et il existe un large champ d'idées où l'exigence de sécurité n'est pas celle qui régit les comptes des clients.
Avant de terminer son allocution, Philippe Wahl a réussi à éveiller les curiosités (dès 9:15) en annonçant le lancement de "L'initiative" d'ici une quinzaine de jours, mais nous n'en saurons pas plus aujourd'hui...
Après cette brillante introduction, c'est Marco Tinelli, président de l'agence FullSix, qui présentait un tour d'horizon des nouveaux "usages numériques" et de leur impact sur les entreprises. Je n'en retiendrai ici que quelques idées marquantes. Par exemple, la conjonction d'un accès universel aux comparateurs d'offres et le faible coût de développement de services (par des startups) constitue, selon lui, un facteur de plus en plus important de disruption dans le secteur financier.
Naturellement, l'argument est à modérer lorsqu'il est question de secteurs hyper-réglementés, mais la réalité confirme tout de même cette hypothèse, d'une part, dans les niches qui commencent à s'ouvrir (les paiements, notamment) et, d'autre part, à travers la création de nouvelles banques (comme Simple), qui n'hésitent pas à faire l'effort de surmonter les obstacles juridiques pour montrer une autre voie. Et dans tous ces cas, les coûts de développement (technologique) ne sont effectivement plus du tout une barrière.
Autre point abordé, incontestable et vérifiable dans (presque) toutes les grandes organisations : l'émergence d'une technologie, puis des usages qu'elle génère, met plusieurs années à s'introduire au cœur des entreprises, toujours trop prudentes. Pour accompagner les évolutions sociétales, il faut maintenant accélérer les cycles et promouvoir la prise de risque dans l'innovation. Ce qui se traduit aussi par une nécessaire capacité à accepter l'échec et à interrompre rapidement les expérimentations qui ne fonctionnent pas.
Le troisième président de la journée était celui de Mappy, Pascal Thomas, qui présentait, dans un registre assez éloigné du domaine bancaire, la stratégie de la (petite) filiale de Pages Jaunes face aux appétits gargantuesques de domination du géant Google. C'est ainsi qu'était introduite la démonstration du nouveau service UrbanDive, qui, au-delà de la navigation de type "Street View" fait "entrer" l'internaute dans les boutiques et rend "hyper-locale" l'expérience du web.
Après cette "diversion", le retour à La Banque Postale était assuré par Bernard Roy, directeur de la stratégie, et les orientations de l'innovation dans l'organisation. Au-delà de quelques généralités, les axes majeurs qu'il nous a exposés sont relativement classiques : multi-canal (pour accompagner le client dans le parcours de son choix), paiement (mobile, en ligne...), transformation du bureau de poste (ou de "l'agence"), amélioration de l'efficacité des processus...
Je fus toutefois déçu d'entendre que les enjeux sous-jacents étaient pour lui de donner une image innovante à la banque et d'attirer les jeunes, alors qu'il me semble que la volonté de "penser au client d'abord" mise en avant par Philippe Wahl porte d'autres défis, autrement plus ambitieux...
Plus positif, l'organisation dédiée à l'innovation à La Banque Postale, baptisée "Banque Lab", a été conçue à l'équilibre parfait entre le modèle d'équipe dédiée qui phosphore et tend rapidement à se détacher des réalités et le modèle du "terrain" où chaque collaborateur est censé être impliqué mais d'où finalement rien ne sort. Pour le "Banque Lab", la structure est donc dédiée mais les innovateurs viennent du terrain (et retournent sur le terrain). Peut-être un modèle (extrêmement intéressant) à la Wells Fargo ?
Le temps suivant était consacré à une table ronde, avec Nadia Tiourtite, directrice conseil de l'agence We Are Social, Vincent Ricordeau, co-fondateur de KissKissBankBank, Jérôme Arnac, directeur marketing de La Poste Mobile et moi-même (et toujours Grégory, bien entendu). Nous avons effleuré (en une petite heure !) plusieurs sujets : l'évolution des comportements mobile en général (Jérôme), l'arrivée d'une deuxième génération d'applications bancaires mobiles (moi), le modèle du crowdfunding et le sens du partenariat entre KissKissBankBank et La Banque Postale (Vincent) et la stratégie de La Banque Postale sur les médias sociaux (Nadia).
La séquence suivante, avec Héloise Beldico et Zaccharia Moursli, nous a permis de découvrir quelques-unes des dernières innovations de la Banque Postale. La première, malheureusement uniquement aperçue à travers une courte vidéo, semble prometteuse. Il s'agit d'une nouvelle interface de banque en ligne, riche et entièrement personnalisable (à base de widgets à configurer). Elle sera déployée pour les clients de "La Banque Postale Chez Soi" vers la mi-octobre et nous aurons donc l'occasion d'y revenir.
La réalisation suivante était moins convaincante, puisqu'il s'agit de l'application EasyBourse d'information boursière et de passage d'ordre sur mobile. La solution de suivi budgétaire qui lui succédait était plus séduisante. La banque propose déjà une application de ce type ("PFM") pour iPhone mais, visiblement, elle ne souhaite pas multiplier les déclinaisons pour chaque plate-forme mobile. La version qui nous était montrée était donc entièrement construite en HTML5 (technologie web) et en "responsive design" (c'est-à-dire s'adaptant automatiquement au terminal de l'utilisateur). Le résultat (vu sur un iPad) est graphiquement très impressionnant !
Dernière de la liste, et encore une application mobile, c'est Digishoot, créée avec la filiale de La Poste Digipost, qui permet d'archiver des photos avec horodatage, géolocalisation et certificat d'authenticité. La cible suggérée est d'utiliser ce service lors d'une demande d'indemnisation à son assurance en cas de sinistre. Hélas, ces photos ne constitueront pas une preuve irrépudiable...
Pour conclure cette matinée, Didier Moaté, directeur de la banque de détail, est revenu sur les valeurs qu'il considère comme primordiales dans la démarche d'innovation de La Banque Postale : construire la banque de demain avec ses clients et se souvenir qu'innover c'est simplifier (la vie du client, souvent, mais aussi la vie de la banque, parfois).
Enfin, n'oublions pas la dernière exclusivité de cette journée, à laquelle je n'ai cependant pas pu assister : l'après-midi était consacrée à un BarCampBank ("non-conférence de co-création et d'innovation dans la banque et la finance"), le premier organisé par une banque et qui a apparemment, lui aussi, atteint des records de participation.
Merci à JM Daix pour la photo de la table ronde que je lui ai "empruntée" (je peux ?).