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Des chiffres et des litres de Rachid Santaki (Polar en Seine Saint-Denis, 2012)

Publié le 13 septembre 2012 par Florian @punkonline

cv-Deschiffres_EPR_Basse-def.pdfSaint-Denis, 1997. La Ville va bientôt être le centre de toutes les attentions. La construction du Stade de France vient de s'achever en vue d'accueillir la coupe du monde de football.
Hachim a 17 ans. Doué pour les études, son environnement ne l'aide pas à prendre la bonne direction. Il ne s'entend plus avec son frère, ancien dealer et adepte des graffitis. Hachim traîne avec Houssine un caïd de 33 ans qui contrôle une bonne partie du trafic de shit de la cité. Il le considère comme son grand frère.
L'affaire de Houssine va avoir du plomb dans l'aile lorsque Jérome, son partenaire, est assassiné. Face à la concurrence de plus en plus pressante, il va permettre a Hachim de prendre davantage de place dans le dispositif. Ce dernier n'accordera pas d'importances aux inquiétudes de ses proches.
De l'autre côté de la barrière, le capitaine de police Netterli veut coincé depuis longtemps le caïd des cités, mais avec la coupe du monde qui se profil, il est sommé de revoir ses méthodes brutales et peu orthodoxes pour ne pas attirer l'attention des journalistes trop curieux, bien qu'un nettoyage ait été demandé au nom de la sécurité par le gouvernement Jospin, légitimant les dérapages policiers ou en faisant de la surenchère en incarcérant les fraudeurs dans les bus.
Rachid Santaki publie son troisième livre. Il a débuté dans l'écriture avec 5Styles un magazine gratuit sur la culture urbaine qu'il fonde en 2003.
Des chiffres et des litres racontent les turpitudes de la vie en cité que connaît bien Santaki ayant vécu à Saint-Ouen. On retrouve quelques éléments autobiographiques : Hachim, le héros, veut devenir journaliste, pratique la boxe et a un pote qui en pratique au niveau national, éléments que l'on peu retrouver dans la vie de l'auteur. Il s'est aussi aidé d'articles de journaux qu'il retranscris avant certains chapitres et qu'il incorpore dans le récit.
Le livre décrit la vie dans les quartiers populaires de Seine-Saint-Denis où trafics, guerres de territoire, combats de chiens et prisons se succèdent. En suivant des dealers, Santaki nous présente la face sombre des lieux.
Cependant, il humanise les personnages. De familles rarement aisées, certains tombent dans la délinquance pour l'argent facile et se faire un nom. D'autres s'y investissent par altruisme puis tombe dans un sale engrenage, comme Hachim qui veut aider Mamie Strange à payer ses loyers en fin de mois.
Tout ce petit monde est acculé par les flics ripoux, tout droit sorti d'un film d'Olivier Marshal. Ils mettent la pression sur les dealers tout en essayant d'avoir une part du biz.
Ce roman comporte une bande-son. D'abord le titre éponyme de Mac Tyer qui reprend l'histoire du livre. Mais surtout, les morceaux qu'écoutent les protagonistes de Snoop Dogs à Tupac de Notorious big à Renaud et bien sur NTM, dont plusieurs titres collent parfaitement à l'histoire. Une liste de morceaux est dressée à la fin du bouquin.
L'intrigue est enrichie par des événements historiques. En particulier la fameuse journée du 17 octobre 1961, symbole d'une France divisée entre "Français musulmans" et Français de métropole. Cette dénomination perdure encre aujourd'hui dans l'esprit de beaucoup de gens qui voient encore les nouvelles générations d'origines maghrébines comme des étrangers. Ces blessures ouvertes lors de la guerre d'Algérie ne sont toujours pas refermées et ressurgissent chez les nouvelles générations qui ne comprennent pas l'attitude de l'État français à l'égard de leurs aïeuls. La Coupe du monde 98 avec la génération blacks, blancs, beurs a été un moment de réconciliation, le temps de l'euphorie de la victoire...
C'est avec des nuances de gris et de noir que Santaki a dressé le portrait de la banlieue nord de Paris. Une plongée dans les cités et l'univers du deal avec de nombreux détails, le tout sous un enrobage de polar bien ficelé.


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