Ici, comme dans toutes les montagnes, la distance se mesure en heures car le temps a vaincu cet espace où un rêveur debout va plus loin qu’un sceptique assis.
Les cairns: signalétique ou processus biologique naturel d'un être de pierre?
A pieds : En allant à la rencontre d’un village abandonné nous avons vu, non pas l’ours, mais l’éléphant sculpté par la nature s’inspirant de Dali conforme à la photo en première page du menu de l'albergue de Pierre. Nous nous sommes laissé guider par les cairns, ces crottes de pierre, déposées ça et là par le Golem, qui nous menèrent vers le repaire du monstre biblique : Bagouestè (Bagueste). Comme la créature mythique, le village a échappé à ses créateurs : il est désormais rendu aux cailloux. Seule l’église, dont les pierres sont encore vivantes, résistera encore aux outrages de deux ou trois hivers.L’éléphant de Pierre.
A vélo : A l’attaque des montées impossibles vers des sommets panoramiques le VTT titube sur les pierres glissantes comme un vélo ivre de liberté. Il faut de grosses cuisses et un gros mental pour pédaler avec un soleil de plomb sur les épaules tel un passager clandestin. A avaler les grimpettes et dévaler les pentes dans un four, l’énergie fond entre pech et combe comme du fromage sur une pizza. Pourtant, au bout de l’effort et du chemin, l’intello à fesses molles et le préretraité aux muscles oubliés retrouveront le petit garçon enthousiaste qu’ils furent, du bonheur plein le regard. A moins que ce ne soit le vent de la montagne qui leur mouille le coin de l’œil. Dans le canyon : Si, il y a de l’eau au pays de la soif ! Elle se planque au fond du canyon. Il faut « mouiller la chemise », dévaler la sente et sauter dans le vide pour la mériter. Les phobiques de l’eau, les angoissés du vide et les claustrophobes passeront, étonnés par leur propre « courage », dans des siphons en apnée (1 seconde) grâce à la patience et la gentillesse de Ep qui semble connaitre par leur nom chaque galet du canyon. Et surtout, le canyoning est l’opportunité de voir les dessous de la montagne en faisant la planche dans des vasques naturelles porté par ce sculpteur fantastique qui n’a pas pris un seul jour de RTT pendant dix mille ans : le Rio Vero. Dans la lumière des camaïeux d’émeraude et de topaze, d’ocre et de pourpre on peut admirer sans modération le travail inlassable et millénaire de l’eau sur la roche, du liquide sur le solide, du temps sur la matière, de la volonté sur l’entêtement. Rio Véro ! Véro, comme vérité ? A table : L’imagination du cuisto règne : ici la Paëlla est Aragonaise. C'est-à-dire sans fruits de mer ni volaille, remplacés par du lapinou et des escargots. Cela prouve qu’il pleut parfois en Aragon et que les cagouilles sont plus faciles à attraper que les poulets par cette chaleur. Parfois, après le gaspacho, c’est un agneau de lait qui se déguste à pleine dent comme Obélix en bonne compagnie d’un crumble aux pommes maison sur lequel glisse un Pacharàn de 2 ans d’âge (quand celui du commerce plafonne à trois mois). Hasta pronto ! A Arcusa le 23 Aout 2012. P.S : Fenêtres ouvertes le vent d’Aragon et les mots du poète éponyme caressent le marcheur repus: « Ce qu’il faut de sanglots pour la moindre chanson». Palme d’or de son effort, le film de la journée défile sur l’écran des paupières du randonneur fatigué. Parce qu’un rêveur endormi ira toujours plus loin qu’un sceptique allongé."