par Mélina Hoffmann
Après avoir conquis le monde de la musique et du cinéma, c’est à l’univers du livre que s’attaque désormais le numérique avec l’apparition de l’e-book, ce livre numérique rechargeable qui se glisse dans la poche.
Après des débuts peu convaincants dans les années 90, l’édition numérique semble enfin prête à émerger, avec des matériels beaucoup plus évolués et maniables qu’à ses prémices.
Liseuse, e-reader, e-book… Quelque soit le nom qu’on leur donne, ces appareils fins et légers sont capables de contenir environ 300 livres, mais il suffit d’y ajouter des cartes mémoire pour en stocker bien davantage.
Certains modèles peuvent même se connecter à Internet par wifi ou Bluetooth, permettant ainsi de télécharger du contenu n’importe où et n’importe quand, mais aussi d’accéder à des liens multimédias, ou encore de garantir une mise à jour constante des données pour ce qui est notamment des ouvrages scientifiques, scolaires…
Toutefois, cette dématérialisation du livre fait débat.
En effet, si certains présagent une complémentarité non concurrentielle de l’e-book avec le livre-objet, d’autres y voient la mort programmée du support papier.
Alors, livre papier / livre électronique : duo ou duel ? Les livres numériques constituent-ils une menace pour le livre papier ? Seriez-vous prêt à adopter ce nouveau support ?
Quelques amateurs de livres et/ou de nouvelles technologies ont accepté de nous faire partager leurs avis sur ces questions.
Alain, 55 ans, cadre supérieur
«Je trouve que les e-books complètent les livres papiers classiques.
Les e-books ont cela de formidables qu'ils sont souvent gratuits (je crois qu'il existe une e-bibliothèque au Québec qui mets tous les classiques de la littérature à disposition, mais il doit exister également d'autres sites). En outre on peut accéder sans sortir de chez soi à des livres qu'il serait difficile voire impossible à trouver, parce qu'ils ne sont plus édités et qu'on ne les trouve pas dans les bibliothèques. J'ai ainsi trouvé des livres d'Aragon qui ne sont pas de la très grande littérature mais qui ont au minimum une valeur d'estime, voire historique. En outre, le e-book peut être un moyen de faire connaître des livres que soi-même on aurait écrit et qu'une impression, même en petit nombre d'exemplaire, ne serait pas justifiée.
Cependant si les e-books ont un côté pratique grâce à leur disponibilité, ils ne présentent pas l'agrément que donne un "vrai" livre: son odeur, ses pages cornées, ses marques pages qui constitueront des souvenirs (un simple billet de train, oublié dans un livre et retrouvé vingt ans plus tard à l'occasion d'une relecture, vaut la madeleine de Proust !). Et puis un livre on le garde sur soi, on le lit dès qu'on a quelques minutes d'oisiveté.
C'est beaucoup plus compliqué à faire s'il faut allumer son ordinateur pour le lire.
En définitive, ce n'est pas e-book OU livre: c'est e-book ET livre qu'il nous faut, pour conserver ce plaisir infini qu'est la lecture.»
Valérie, 45 ans, étudiante de Master 1
«Pour moi, la question du livre électronique contre le livre en papier est un faux débat. Car le livre électronique ne peut se substituer au livre en papier pour des raisons que je vous expliquerai ci dessous.
Certes je n'ai jamais lu de livres électroniques mais mes raisons correspondent à mes convictions. Parce que actuellement le livre électronique n'est pas diffusé ce qui empêche la démocratisation.
Les bibliothèques offrent un choix plus divers de livres et sont plus disponibles.
Avoir un dictionnaire électronique implique la possession ou la location d'un ordinateur ce qui veut dire des frais d'abonnements plus élevés que ceux d'un abonnement à une bibliothèque.
Un livre vit et subit les épreuves du temps, alors qu'un outil électronique légèrement détérioré est inacceptable pour l'organisme prêteur.
Dans l'avion, on peut ouvrir son bouquin, alors que les appareils électroniques sont interdits d'utilisation.
Les outils électroniques peuvent sans doute proposés d'autres liens relatifs au livre, mais je pense qu'il vaut mieux laisser au lecteur l'initiative de sa recherche. Internet favorise une infantilisation du lecteur au niveau de la réflexion. Je trouve cela inacceptable.
En ce sens je préfère une lecture papier pour laquelle je ferai moi-même les recherches appropriées sans être orientée.
Sans doute serait-il bon que le livre électronique soit mis à la disposition de tous les lecteurs ? Cela relancerait certainement le débat.
Pour l'instant, le livre électronique est pour moi un complément qui ne peut en aucun cas se substituer au support papier. Par analogie, je dirai que malgré l'invasion du MP3 ou autres, il y a encore de jeunes artistes qui produisent des CD - ou mieux des supports vinyles - pour leur album.... Et un vinyle de son artiste préféré est un bijou inégalable.
Hugues, 46 ans, Cadre dans l’industrie et auteur de livres sur l’environnement
L’adoption des ebooks n’est sans doute qu’une question de génération. Vous avez l’ancienne génération (dont je fais déjà partie) très attachée au livre papier et la nouvelle génération très attachée à son téléphone portable, son ipod et autres objets numériques. Ce sont eux qui adopteront progressivement cette nouvelle façon de lire un livre, car, plus facile, plus interactive et plus proche de leurs habitudes. Ce sera plus lent que pour le téléphone et les ipod, mais c’est sans doute inéluctable. Il y a 15 ans vous nous auriez posé la question : « pensez-vous que les appareils numériques vont supplanter les appareils photos argentiques » Vous auriez trouvé des sceptiques. Le basculement du monde du livre sera le dernier à basculer dans le tout numérique comme l’ont fait depuis deux décennies le monde de la musique, la télé, le téléphone, la photo. Ce n’est plus qu’une question de temps.
www.hugo3w.com
Marina, 30 ans, technicienne qualité.
Les e-books ont pour moi une utilisation différente de celle des livres papier.
Le format papier restera toujours pour moi indispensable pour certains livres, le plaisir de les relire tranquillement, ouvrir une page au hasard et se laisser guider, le plaisir du papier aussi....
Le plaisir de transmettre également. Les livres que l'on m'a offerts, faire découvrir ce qui nous a touché, la dédicace de la personne.... Mais l'e-book, pour une dévoreuse de livres comme moi, permet de pouvoir lire d'autres livres sans devoir leur trouver une place dans ma bibliothèque, avantage non négligeable. Ainsi que le fait qu'ils ne seront jamais tachés, déchirés par mégarde. Et pendant les vacances, plus besoin de sacrifier la moitié de ma valise aux livres. La question du prix restera aussi déterminante entre les deux formats.
A prix équivalent, le format papier est plus attrayant.
Romain, 21 ans, en recherche d’emploi
Dans la continuité de l'ère numérique, tout comme les lecteurs MP3 ou vidéo, les livres "électroniques" dit E-Books débarquent en masse dans les rayons, cela dit, je ne pense pas qu'ils soient une menace immédiate pour le livre en papier "original". Pourquoi ?
La communauté des lecteurs est composé à mon avis en grande partie de gens qui apprécient le format papier au moins autant que la lecture elle même. C'est un ensemble, le livre, le papier, l'encre et sa police, parfois l'odeur du neuf ou au contraire du très vieux, bref la "dématérialisation" du livre n'est pas à mon avis assez entré dans les mœurs pour un succès immédiat. D'ailleurs ce sont souvent deux cultures qui s'opposent entre ceux qui "maîtrisent" l'informatique, et ceux qui se réfugient dans les livres, comme pour justement peut-être échapper à ce monde du tout numérique.
Autre frein (et pas des moindres) à la démocratisation des E-books déjà très présent dans les esprits (surtout en ce moment) les difficultés de l'état pour gérer et réguler les droits d'auteurs (ou piratage) sur les différents contenus sont au cœur du débat, c'est une des raisons pour lesquelles peu de maison d'éditions veulent bien se lancer dans l'aventure et proposer un magasin en ligne conséquent et intéressant pour tous. Un bref tour sur internet suffit pour se rendre compte que l'offre en dehors de grands classiques est totalement asthmatique et bien trop dispersée.
D'un autre côté (peut être) entendrons nous les écolos crier qu'il est bien meilleur pour la nature de se passer des quantités astronomiques de papier et de céder au "tout numérique", mais ce serait se passer d'une richesse de contenus que jamais les E-Books pourront égaler, puisque tout les livres sortis à ce jour ne seront pas tous numérisés.
Ainsi même en cachant le prix conséquent du peu d'appareils disponible, et en oubliant le choix et la variété fantastique que propose le monde du livre papier, je ne serai pas prêt à titre personnel à troquer mes livres papier contre un E-book.
Alexandre, 26 ans, conseiller technique à France Télécom
L’e-book est pour moi une alternative intéressante au support papier dans bien des cas. Le fait de constituer toute une bibliothèque de façon numérique permet de garder une trace de tous les écrits qui ont été ou qui seront faits, de façon bien plus simple. Sa centralisation permet aussi de faciliter l'accès a toutes ces informations.
Toutefois, sa forme actuelle n'est que le balbutiement de cette technologie et, je dois l'admettre, n'est pas encore très intéressante car limitée par sa lisibilité, sa texture et sa facilité d'utilisation. C'est pour cela que le livre, à l'heure actuelle, a encore de beaux jours devant lui. Mais les prochaines technologies à l'étude laissent présager un bel avenir pour l'e-book.
Avec une texture souple rivalisant avec certains papiers, un affichage dynamique des articles et une mise a jour automatique des contenus, l'e-book du futur offrira une alternative intéressante aux journaux et magazines.
Un accès direct à tous les ouvrages permettra aux étudiants et aux chercheurs d'avoir sous la main toutes les informations dont ils ont besoin, à un instant T, sans avoir à chercher dans quelle bibliothèque se trouve chaque ouvrage.
En revanche, en ce qui concerne le roman, l'e-book ne présente pas d'intérêt particulier, si ce n'est d'un point de vue écologique. Car la masse de tous les ouvrages imprimés représente beaucoup de papier, et je ne suis pas certain que tous soient recyclables.
De plus, cela permettrait d'éviter la perte d'ouvrages dans le cas d'autodafés, par exemple.
Pour conclure, je n'achèterai pas d'e-book pour le moment, mais je suis son développement avec intérêt car il deviendra, à mon avis, incontournable dans les 15 prochaines années.
Laura, 58 ans, retraitée de la fonction publique
Les quelques débats récents que j'ai pu entendre autour de moi ces jours-ci, mettant en opposition les livres numériques et les "livres-papier" m'ont interpellée. Le livre étant par définition un merveilleux et indispensable outil au service de l'homme, j'ai ressenti une crainte lorsqu'a été évoquée leur possible disparition au bénéfice de l' "e-book".
La lecture est l’une de mes passions, et le "livre-papier" aura toujours ma préférence. Quoi de plus agréable que de tenir un livre entre ses mains, de le regarder, de l'ouvrir, d'en tourner les pages, de toucher et sentir la matière, de refermer ce livre et de le ranger précieusement..... jusqu'...... au lendemain ? Bien sûr, ces livres-là prennent de la place, mais, au moins, on ne les oublie pas !
Et puis, c'est un plaisir sans cesse renouvelé, des moments de pur bonheur, alors que..... les "e-books" ne réjouissent qu'une partie des lecteurs, celle qui ne peut plus se passer de son écran, qui n'a plus ce contact intime et tellement savoureux avec les choses, avec les matières.
Alors oui au livre numérique, qui est un outil de travail considérable permettant les échanges et la sauvegarde de la mémoire, sans toutefois remettre en cause le livre-papier qui peut être lu n'importe où, n'importe quand, en toutes circonstances...... pourvu qu'il y ait de la lumière !
Je préfère, pour ma part, m'endormir le soir, un livre dans les mains, plutôt qu'un ordinateur!