Une ombre bien nette plane sur MissionForce: Cyberstorm, celle du jeu de plateau Battletech (FASA Corporation ; 1984). En témoignent les hexagones qui tapissent les différentes cartes où se déroulent les combats, elles-mêmes en forme d’hexagones d’ailleurs ; l’impression se trouve renforcée par la dépense en points de mouvements pour vos unités quand celles-ci doivent opérer une rotation d’une ou plusieurs faces de l’hexagone – un élément typique de Battletech souvent jugé assez frustrant d’ailleurs… Bien sûr, objecteront les connaisseurs, il n’y a rien de surprenant à ce que Cyberstorm utilise les déplacements sur des hexagones puisqu’un tel système se trouve à la base de nombres de jeux de guerre, traditionnels ou électroniques.
Cyberstorm nous intéresse particulièrement pour son type de jeu. Ni simulation, ni FPS, il s’agit en fait d’un jeu de stratégie au tour par tour – d’où sa ressemblance déjà évoquée avec le jeu de plateau de Battletech. Bien qu’un tel pari se montrait assez risqué à cette époque où l’immense succès tant public que critique de Mechawarrior 2: 31st Century Combat (Activision ; 1995) restait gravé dans les mémoires au fer rouge et semblait devoir demeurer longtemps la référence du genre mecha sur le média jeu vidéo, Cyberstorm parvint néanmoins à tirer son épingle du jeu, à la fois pour des raisons liées à sa jouabilité d’excellente facture mais aussi, peut-être plus surprenant dans un tel registre, pour son atmosphère hors norme.
Ainsi, Cyberstorm se place à la croisée de productions telles que Alien (Ridley Scott ; 1978) et Outland (Peter Hyams ; 1981), parmi d’autres exemples de récits où l’individu disparaît face aux grands groupes que représentent ces multinationales broyeuses des meilleures volontés. De même, les pilotes bioderms, des humains artificiels, sortes de clones aux capacités physiques et intellectuelles variables selon leur capital génétique de synthèse, qui se trouvent mis en liaison cybernétique avec leur véhicule HERC, pourraient très bien sortir tout droit de Blade Runner (Ridley Scott ; 1982) : ils représentent bien sûr le capital humain réduit au statut de simple outillage qu’on jette au recyclage une fois qu’il a passé la date de péremption.
Bien sûr, vous consacrerez un temps conséquent du jeu à personnaliser vos engins pour mieux les adapter à votre manière de jouer. Pour cette raison, vous vous verrez bien inspiré d’inspecter toute la carte lors d’une mission afin de ne pas perdre une seule unité de minerai à prospecter : ce bonus s’ajoutera au pécule que vous paie Unitech pour vos efforts et il pèse souvent lourd. Mérite de se voir mentionné que, les cartes étant générées de manière aléatoire, vous ne ferez jamais deux parties identiques bien que dans les grandes lignes on retrouve la même trame scénaristique ; celle-ci, d’ailleurs, se veut souvent surprenante et sait entretenir longtemps le mystère, notamment à travers une narration indirecte qui sert à merveille l’atmosphère du titre.
Le livret du jeu s’avérant aussi fourni qu’épais, je ne peux le résumer davantage sans tomber dans un exposé d’ordre technique aussi long que fastidieux. Mais que cette omission ne rebute pas le stratège qui sommeille en vous car Cyberstorm saura bien vous proposer quelques défis dont vous vous souviendrez, et pendant longtemps.
Séquelle :
Bien qu’un succès commercial modeste, MissionForce: Cyberstorm engendra une suite, Cyberstorm 2: Corporate Wars qui sortit en 1998 et proposait de jouer au tour par tour ou bien en temps réel ainsi que dans un contexte assez différent où des rivalités corporatistes remplaçaient les affrontements contre les cybrids. Bien que beaucoup moins appréciée par les fans de l’original, cette suite fera néanmoins l’objet d’une chronique prochaine.
MissionForce: Cyberstorm
Dynamix, 1996
Windows, gratuit (abadonware)