Acanthes d’Henri Matisse

Publié le 13 septembre 2012 par Elisabeth1

Après trois années consacrées à d’importantes recherches historiques de l’art accompagnées de mesures de conservation et de restauration, la Fondation Beyeler a conclu avec succès le plus grand projet de restauration de son histoire. Depuis 2009, en coopération avec l’assureur d’art international Nationale Suisse, la Fondation Beyeler s’est lancée dans l’analyse scientifique d’Acanthes (1953, 311,7 x 351,8 cm) d’Henri Matisse, une oeuvre majeure de sa série des « Papiers découpés » de grand format. Les résultats de ces recherches qui ouvrent des perspectives d’avenir ont été présentés hier 12 septembre à la presse.

« Acanthes », 1953, papiers peints à la gouache et découpés, dessin au fusain, sur papier recouvert de peinture blanche sur toile, 311,7 x 351,8 cm,Fondation Beyeler, Riehen / Basel © 2012 Succession Henri Matisse / ProLitteris, Zürich. Photo : Robert Bayer

 
Par rapport à d’autres « Papiers découpés » de grand format, Acanthes se trouve dans un état de conservation jugé bon, voire très bon. Seules des mesures minimes de stabilisation ont été nécessaires et peu d’endroits fragiles ont dû être optimisés. On a également pu établir que la structure, qui compte treize couches différentes de papier, de colles, de toile et de châssis était stable. Les conservateurs n’ont pas relevé d’importants dégâts non plus dans la zone de représentation. On le doit pour une part à la grande qualité des matériaux utilisés et au remarquable travail de montage, mais aussi à la vitre de protection dont l’œuvre a été précocement pourvue. Tel est le jugement auquel les restaurateurs sont parvenus au terme de l’examen et de l’analyse technologique minutieuse de soixante œuvres comparables conservées dans des collections internationales.
L’une des nouvelles découvertes capitales porte sur la méthode de travail d’Henri Matisse (1869-1954). Près de la moitié de l’ensemble de 220 « Papiers découpés » a été montée sur toile pour assurer leur stabilité. Cette tâche a été confiée à la société
Lefebvre-Foinet. Ces deux étapes de travail sont indissociables. Ce procédé a été élaboré du vivant même de Matisse qui l’a approuvé.

Henri Matisse

Dans l’atelier, un certain nombre de tâches et d’étapes de travail n’étaient pas réalisés par Matisse lui-même mais par des assistantes, sous la surveillance de l’artiste. Les papiers étaient peints par les assistantes, puis fixés au mur après avoir été découpés par Matisse. L’élément déterminant de ce processus, le découpage et la composition, restait cependant entres les mains de l’artiste.
Les restaurateurs ont  remarqué d’innombrables petits trous sur les formes et sur le papier de fond. Ils sont dus à leur accrochage au mur de l’atelier. De même, les pliures que l’on observe sur les formes vertes proviennent de l’atelier et ne doivent pas être considérées comme des dégâts ainsi que des lignes de fusain bien visibles proviennent de l’atelier. C’est un élément du processus de travail d’Henri Matisse. Cela montre clairement qu’un grand nombre de détails qui auraient pu, de prime abord, être considérés comme des dégâts sont imputables à la technique même de Matisse.

les restaurateurs

Les restaurateurs Markus Gross, restaurateur de peintres chef, et Stephan Lohrengel, restaurateur spécialisé dans les travaux sur papier, n’ont pu établir ce fait qu’après avoir examiné de nombreuses œuvres comparables et reconstitué eux-mêmes un « papier découpé »
Seules les connaissances acquises grâce aux expertises permettront une préservation durable des papiers découpés. En outre, grâce à ces résultats, il a été possible de se contenter d’interventions mineures sur l’œuvre. Les mesures de restauration réalisées se limitent en effet aux bords endommagés.
L’échange avec des experts de collections nationales et internationales a eu une importance capitale pour ce projet. Ces voyages ont permis de discuter avec les différents restaurateurs et conservateurs de problèmes de conservation et de restauration comparables et d’établir ainsi une base de réalisation de grands projets de conservation et de restauration.
Les visiteurs de la Fondation Beyeler peuvent encore voir ce papier découpé jusqu’au 30 septembre dans l’atelier de restauration vitré, qui sera démonté ensuite. Il est prévu qu’Acanthes prendra place à l’automne 2013 dans la présentation de la Collection de la Fondation Beyeler.
En 2014, cette œuvre sera prêtée à l’occasion d’une grande rétrospective des « Papiers découpés » qui se tiendra au Museum of Modern Art de New York et à la Tate Modern de Londres.
Ce projet de restauration a été confié aux restaurateurs Markus Gross et Stephan Lohrengel et au conservateur Ulf Küster. Le Dr. Dietrich von Frank, Head Specialty Line Art à la Nationale Suisse, a donné toutes les explications nécessaires sur la pertinence de ce projet pour l’assurance d’art.

 

photos courtoisie Fondation Beyeler