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Le «Prix de l’inégalité», dernier ouvrage de Joseph Stiglitz, sort en France le 5 septembre. Ce livre marque un tournant. Le prix Nobel d’économie dénonce désormais le libre-échange avec une approche nouvelle.

Publié le 13 septembre 2012 par Pslys

Son expérience au FMI a rendu le prix Nobel d’économie conscient des dangers de la mondialisation financière. Mais jusqu’à présent, il soutenait mordicus le libre-échange et dénonçait le protectionnisme. Ce livre marque un virage avec une critique des conséquences du libre-échange.

Pour lui, tout s’est accéléré dans les années 2000 avec «les politiques de déréglementation des marchés financiers de l’administration Clinton et la baisse des impôts sur les revenus du capital (…) qui ont mis de l’huile sur le feu». Il dénonce le démantèlement du Glass Steagall Act, qui a libéré la spéculation. Il souligne également que «la libéralisation ne promeut pas la croissance économique ; mais en revanche, elle amène plus d’instabilité et d’inégalités». Aujourd’hui, même le FMI «reconnaît les dangers d’une intégration financière excessive» et reconnaît l’utilité «des contrôles de capitaux ou la limitation des mouvements volatiles de capitaux à travers les frontières, surtout pendant une crise».

Une critique de la mondialisation

Stiglitz constate «la destruction de millions d’emplois dans l’industrie» du fait de l’évolution des avantages compétitifs avec la montée en puissance de la Chine. Il évoque une «polarisation de la main d’œuvre du pays» avec des emplois peu payés mais qui ne peuvent pas être automatisés qui continuent à croître, notamment dans les services et les emplois très qualifiés au sommet. Il pointe les difficultés de l’industrie en évoquant la baisse des salaires des salariés automobiles qui gagnaient 28 dollars par heure en 2007 et qui, selon le nouvel accord, ne peuvent plus espérer que 15 dollars.

Il en vient même à reconnaître les conséquences peu sociales du libre-échange : «Si les Etats-Unis importe des biens qui nécessitent des travailleurs peu qualifiés, cela réduit la demande pour les travailleurs peu qualifiés pour faire ces biens aux Etats-Unis et pousse vers le bas les rémunérations de ces même travailleurs peu qualifiés. (…) Si les exportations créent des emplois, les importations en détruisent ; et nous avons détruit plus d’emplois que nous en avons créés.»

Moins-disant social et salarial

Pour lui, «tant la mondialisation du commerce des biens et des services que la globalisation des marchés des capitaux ont contribué à l’augmentation des inégalités, mais de manière différente». Il souligne que dans cette globalisation, les droits du capital prennent largement le pas sur les droits des travailleurs. Il note que «la compétition entre les pays pour l’investissement prend de nombreuses formes – pas seulement la baisse des salaires et l’affaiblissement de la protection des travailleurs. C’est une course vers le bas globale qui assure que les règlementations sont faibles et les impôts bas».

Dans un exercice intéressant, il imagine que «dans un monde où les capitaux ne pourraient pas bouger et les travailleurs si, les pays se feraient concurrence pour attirer les travailleurs. Ils promettraient de bonnes écoles and un bon environnement et de faibles taxes sur le travail. Cela serait financé par des taxes importantes sur le capital». Il va encore plus loin en disant que si l’économie mondiale était parfaitement intégrée, alors le salaire de tous les travailleurs peu qualifiés convergerait vers le niveau des salaires en Chine, ce qui serait une catastrophe aux Etats-Unis.

Il ne croit pas à une telle convergence, mais pense que cela va dans ce sens, notamment aux Etats-Unis et en Europe. Pour lui, «avec le capital très mobile – et les droits de douanes bas – les entreprises peuvent simplement dire aux travailleurs que s’ils n’acceptent pas des salaires plus bas et des conditions de travail moins bonnes, l’entreprise ira ailleurs». Il souligne que les travailleurs qui perdent leur emploi du fait des importations des pays à bas coûts ont du mal à en trouver un autre.

Les Etats désarmés

Pour lui, «la globalisation circonscrit la démocratie à travers la compétition» entre les systèmes fiscaux que promeuvent notamment les multinationales, qui n’hésitent pas à recourir au chantage. Et à ceux qui disent que la globalisation ne nous donne pas de choix, Joseph Stiglitz soutient que c’est le cadre politique que nous avons donné à la globalisation qui ne nous donne pas de choix.

Et par conséquent, la globalisation pousse le niveau de certains impôts vers le bas, ce qui ne permet pas non plus d’en financer les conséquences sociales. Si la mondialisation a permis beaucoup de progrès dans les pays en voie de développement cela se fait au détriment des classes populaires et moyennes des pays dits développés. Il rappelle que les pays qui parviennent à la plus forte croissance (Japon avant-hier, Corée hier, Chine aujourd’hui) et les pays avec les plus hauts niveaux de vie (pays scandinaves) ont tous en commun d’avoir des Etats assez forts et présents.

Stiglitz adopte une démarche pragmatique pour la dépense publique. Il est favorable à son augmentation pendant les récessions mais pas autrement «quand l’économie est au plein emploi, davantage de dépenses publiques n’augmentera pas le PIB. Elle évincera d’autres dépenses». Mais il rappelle aussi que la libéralisation n’est pas forcément plus efficace comme le montre l’état du système de santé. Enfin, il souligne « qu’Il est curieux qu’à une époque où le chômage est si élevé, les supermarchés remplacent les caissiers par des caisses automatiques » !.


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