[Critique] DES HOMMES SANS LOI

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Festival de Cannes 2012 – Sélection Officielle – En Compétition

Titre original : Lawless

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : John Hillcoat
Distribution : Tom Hardy, Shia LaBeouf, Jason Clarke, Jessica Chastain, Dane DeHaan, Mia Wasikowska, Guy Pearce, Gary Oldman, Noah Taylor, Lew Temple, Bill Camp, Bruce McKinnon, Randall Franks, Ron Clinton Smith, Joel Rogers, Alex Van…
Genre : Drame/Policier/Adaptation
Date de sortie : 12 septembre 2012

Le Pitch :
1931, Etat-Unis, état de Virginie : en pleine Prohibition, les frères Bondurant règnent sur la production d’alcool de contrebande. Confrontés à la police corrompue et aux gangsters rivaux, les Bondurant voient néanmoins leur commerce prendre une nouvelle ampleur lorsque Jack, le cadet, arrive à vendre leur alcool au légendaire Floyd Banner, un truand notoire. De quoi mettre un peu plus sur les dents, l’agent Charlie Rakes, qui n’aura de cesse de mettre fin à leur trafic… Histoire vraie…

La Critique :
Qui sont ces hommes sans loi que désigne le titre du dernier film de John Hillcoat ? Les frères Bondurant, contrebandiers auréolés d’une réputation quasi-mystique, ou bien ces policiers et autres agents du gouvernement, tiraillés entre la tentation de la corruption et une justice aussi violente qu’expéditive ? Difficile de répondre car Des Hommes sans loi n’a rien d’un long-métrage manichéen. Et cela même si -on s’en aperçoit assez vite- ce ne sont pas les Bondurant les vrais « bad guys » de cette tragédie aux accents shakespeariens. Mais peu importe, car là n’est pas le problème. John Hillcoat ne cherche pas à suivre les chemins balisés du western ou du film de gangster. Son métrage, sous ses apparats « classiques », propre aux fresques américaines historiques, va plus loin qu’une illustration du bien contre le mal.

C’est la troisième fois que John Hillcoat et Nick Cave collaborent sur un film. Nick Cave, qui n’est autre que l’un des artistes les plus fameux qui ait été engendré par l’Australie et qui est à l’origine de plusieurs albums cultes de la scène rock (au sens large du terme). Ensemble, comme par exemple sur The Proposition, Hillcoat et Cave font des miracles. La présence de Nick Cave au scénario est à elle seule un excellent indicateur de la qualité du film. Rien d’étonnant donc à ce que le scénario du long-métrage de John Hillcoat soit admirable. Superbement rythmé, il joué sur l’économie des mots et ne perd jamais de vue son sujet. Il n’y a rien à jeter dans la prose de Cave qui cerne ses personnages, leurs aspirations et leurs ressentis, avec une pertinence qui donne envie d’applaudir. Un script par ailleurs adapté du roman de Matt Bondurant, descendant des frangins Bondurant, qui relate l’existence de ses aïeuls pendant la Prohibition américaine.

La formidable osmose qui caractérise le duo Hillcoat /Cave habite ainsi Des Hommes sans loi du début à la fin. De quoi placer d’emblée le film aux côtés des canons du genre, quelque-part entre le western et le pur film de gangsters. Il n’y a pas d’effets de style superflus. La réalisation d’Hillcoat se fait classieuse mais âpre, lyrique mais aussi sèche, quand les circonstances l’indiquent.
C’est bien simple, Des Hommes sans loi coule de source. Sans forcer, il se pare d’un souffle à la puissance fantastique et tient bon la barre sans se soucier de ressembler à tel ou tel maitre-étalon de la discipline. Poétique et impitoyable à la fois, il se rapproche par son impact de certains monuments de Clint Eastwood, tout en dégageant un petit quelque chose, certainement imputable au recul d’Hillcoat. Hillcoat qui s’approprie tout un pan de l’histoire américaine, alors que lui-même est australien. Enveloppé d’une photographie sublime et bercé par des paysages tours à tours beaux et inquiétants, Des Hommes sans loi s’impose par sa forme et par son fond.

Par le biais des thématiques qu’il aborde, le long-métrage se place dans une réalité bel et bien contemporaine. Jouant donc davantage sur des nuances de gris que sur une dualité noir/blanc, Des Hommes sans loi s’en sort avec des honneurs duent à une succession de choix burnés, dénotant notamment d’une indépendance salutaire. Fort bien documenté, mais ne donnant jamais l’air de vouloir péter plus haut que son cul, John Hillcoat se concentre sur sa tache et touche au but. Particulièrement sur de petites détails, qui mis bout à bout, font la différence et sur le traitement de ses personnages.

Des protagonistes remarquablement écrits, qui trouvent une substance incroyable dans les interprétations des acteurs de la distribution (l’une des plus marquantes de l’année). Car si Des Hommes sans loi se démarque par sa mise en scène et par son écriture, il se doit aussi d’être reconnu en tant que grand film d’acteurs.
Il y a donc Shia LaBeouf qui peut être sacrément bon et tout en nuances, quand il ne donne pas la répliques à de gros robots débiles. Il y a Jessica Chastain, encore une fois magnifique qui, de film en film, continue de bluffer. Sublime, habitée par un talent hors-norme, et charismatique, la comédienne illumine Des Hommes sans loi, sans pousser ses camarades pour figurer sur la photo de famille. Sa présence suffit à sublimer le cadre. La jeune Mia Wasikowska, plus discrète, mange également toutes ses scènes, avec un jeu minimaliste, centré sur les émotions et les regards qui en disent long. Guy Pearce est également parfait en salopard intégral. Affublé d’un look aussi improbable qu’inquiétant, Pearce rappelle à quel point il est bon. Un rappel qui arrive à point nommé , juste après la sortie du calamiteux Lock Out, où Guy se la jouait Snake Plissken sans grande conviction. Et puis il y a Tom Hardy. En ainé taciturne de la fratrie Bondurant, Hardy incarne l’un de ses personnages les plus monumentals. Sa performance souligne son extraordinaire talent et son charisme. De quoi offrir à sa filmographie, déjà conséquente, un autre fait de gloire.

Des acteurs (le but n’est pas de tous les citer, même si ils sont tous parfaits) qui jouent une partition pleine de lyrisme, jamais complaisante et dont le caractère grandiose et pourtant modeste habite le moindre plan. Des plans bénéficiant en outre d’une bande-originale à tomber, toujours adéquate et parfois très justement décalée, comme lorsque résonne l’excellente reprise par The Bootleggers -feat. le fameux Mark Lanegan- du White Light White Heat du Velvet Underground.

Un grand film qui est reparti bredouille du Festival de Cannes où il était présenté en compétition officielle. Le manque de discernement d’une certainne majorité cannoise n’étant plus à prouver, raison de plus pour le considérer comme un classique immédiat.

@ Gilles Rolland

Créditis photos : Annapurna Pictures