Vincent est content de lui. Il a décroché son premier travail. Dans ces temps difficiles, avoir été embauché alors que plus de 100 000 jeunes diplômés postulent lors de cette rentrée à des emplois a de quoi le rendre sa fier. Il a eu un BTS en juin et le voilà donc dans le grand bain. Il n’a que 22 ans et il aurait bien continué une ou deux années de plus afin de développer d’autres compétences et rester un petit peu plus dans la vie somme toute agréable et insouciante d’étudiant. Mais il n’a pas pu. Ses parents l’on aidé au maximum et sont arrivés à leurs limites, ils ne peuvent souscrire un autre crédit et leurs revenus cumulés de 32 000 € annuels ne leur ont pas permis de solliciter une bourse pour leur fils. Et puis la fille cadette rentre en première, il va falloir économiser pou elle aussi.
Les jobs que Vincent occupés pendant les derniers étés lui ont juste permis de financer son permis voiture et arrondir ses fins de mois pour se payer des petits extras qui l’ont sorti épisodiquement des pâtes au fromage et des tartines de pâté en boîte.
Oui Vincent est heureux. Il va devoir s’exiler à l’autre bout de la France, quitter ses amis, sa famille. Mais bon. Il n’a pas de copine et il n’aura pas au moins un chagrin d’amour.
Son salaire sera de 1 400 € nets par mois et on lui a que c’était un bon salaire pour débuter. Donc tout va bien.
Ce que Vincent ne sait pas encore c’est que les impôts lui enlèveront plus de 2000 € par an, qu’il vivra dans un petit studio certainement loin de son travail pour lequel il payera une taxe d’ habitation sans doute exorbitante par rapport à ses 30m², qu’il devra se payer à crédit une voiture d’occasion et aura à débourser chaque mois 200 € d’essence , s’endetter déjà aussi pour équiper son appartement, demander régulièrement à ses parents de le dépanner de quelques euros pour faire face à des imprévus ou combler son déficit trop important qui à chaque fin de mois lui valent des agios dantesques, demander des aides la collectivité via des prestations sociales, faire des heures supplémentaires non payées car il ne veut pas passer pour un tire au flanc et qu’on a su exciter sa vanité.
Inconsciemment, Vincent s’abrutira devant sa télé et sa console de jeux, se fera plein d’amis sur Face, se consolera avec des soirées arrosées et enfumées, fera durer l’insouciance de son adolescence. Lorsqu’il se rebellera de temps en temps, il se verra rétorquer qu’il est jeune, qu’il a de la chance, qu’il a tout pour être heureux, et que tout va bien. Pense à ta soeur qui galérera certainement plus que toi.
Heureusement,Vincent est dynamique, adaptable et il en veut. Et la Société l’aura conditionné à fermer sa gueule, à ne pas voir qu’il se fait avoir, à se sentir heureux et à consommer davantage pour qu’il se pense riche et bien loti. Le Monde s’arrêtera aux murs de son studio.
Bernard dans le nord, c’est autre chose. Il arrive à la fin de sa vie et la finir en France est devenu trop insupportable. Il est la première fortune de France mais que la quatrième du Monde… Son enfance a été difficile et laborieuse vous vous en doutez et il a été rapidement confronté à la dureté de la vie en intégrant l’entreprise familiale juste après Polytechnique. Mais il a heureusement compris que la Propriété d’une boîte légitimait des salaires mirobolants et s’en est sorti.
Mais aujourd’hui trop c’est trop. Des affreux gauchistes élus au pouvoir vont tout lui piquer. Juste au moment où il venait d’augmenter son salaire de 9 millions d’euros par an.Si c’est pas con ça. Heureusement qu’il y a des niches et des bons conseillers fiscaux.
Mais bon, trop c’est trop. Le père Bernard joue les ermites. S’ échappe en Belgique rejoindre ses pots d’infortune. La Belgique, un des Etats fondateurs de L’Union Européenne qui n’a pas eu le temps en 50 ans de mettre de la cohérence dans les mesures fiscales, le mouvement des capitaux , la réglementation des systèmes bancaires, la politique salariale, l’accès aux soins, ….des Etats Membres. Débordée de travail elle aussi, comme Bernard.
Mais on ne va pas trop en dire sur Bernard, l’aime pas trop qu’on le titille en plus. Et puis s’il s’exile c’est par altruisme, il pense avant tout à ses enfants.
Ah oui on oubliait, et Paul?
Paul a eu le bac en 2011. Il voulait être gendarme et s’est préparé au concours pendant un an. Il s’est présenté au concours ouvert aux titulaires d’un bac et l’a raté. Des Bac+5 ont raflé la mise. Là il est chez ses parents et ne sait pas trop ce qu’il va faire. Encore un qui en veut pas. Un futur assisté. Pffff. On ne va pas aller plus loin, ça va nous filer le cafard. (2)