Mais les mots qui ont retenu mon attention dans ce recueil sont « palmier » et, surtout, « miroir ». Palmier pour dire les blessures du pays, « écimés », « agonisants », « poursuivis par des chars », « palmier qui saigne ». Miroir sans doute d’abord à cause du fleuve, l’Euphrate, où « le soleil se mire », et pas seulement le soleil, mais tout le ciel qui semble ainsi porter les mots au-dessus du pays où « le ciel prend racine ». Le miroir renverse la vision. En lui, « la plainte des poètes » ressemble à « une nuée de soldats ». Le miroir dit l’identité. Il s’emplit de visages et celui du poète n’y trouve pas sa place, car il lui faut « tailler dans le miroir la malice du Je ». Il se dit à lui-même : « Ecorche ton corps à partir du miroir ». Au poète américain Sam Hamill, il demande : « prends-moi dans ton miroir ».
Il sait aussi qu’il faut parfois « ouvrir la fenêtre », en franchir le reflet, qu’il « faut vivre malgré la plaie du miroir ».
Alors, « au milieu du chemin
que faire de moi-même
et de cette douleur des jours ?
Je ne laisse s’échapper de ma pensée que la nostalgie et l’espoir. Enfin je ferai corps avec ces lieux. Lieux imaginés, lieux perdus, comme cet arbre à l’ombre duquel à midi, jadis, je somnolais pour grandir. »
Dans ces lignes, il y a le mi- de miroir au milieu des lieux « imaginés », « perdus », au milieu du jour, « à midi », sous l’arbre, un palmier peut-être.