Hier, Monsieur Carle, propriétaire du Château Croque-Michotte, avait invité des journalistes afin de leur expliquer sa vision des choses.
Sa propriété n'a pas été intégrée dans les promus "grand cru classé" dont la liste a été officialisée récemment.
Attention : tant qu'il n'y a pas la signature du ministre en bas de page, ce classement n'a pas de véritable valeur officielle.
Je ne vais pas dire en moins bien ce que le journaliste de Sud-Ouest (Jean-François Harribey) qui était présent a écrit ce matin : ICI
Mais qu'il me soit permis un commentaire personnel.
S'il n'est pas discutable que le règlement qui a servi au classement présente des faiblesses notoires (par exemple : on eût dû présenter aux propriétés la liste des critères entrant en compte), on doit quand même constater que, par rapport à d'autres classements, on n'avait pas lésiné sur les analyses, les process de calcul, les dégustations, quand bien même on sait qu'il n'y a rien de plus subjectif que cela.
Ce qui ressort surtout de cette situation, c'est le fait que, finalement, la qualité du vin n'a pas été le critère n° 1, le critère majeur, dans ce classement. A la limite, un château disposant de puissants moyens financiers, personnels, salles de séminaires, parkings, visites organisées même en javanais, mais avec des crus dont la dégustation ne vous fait pas grimper au rideau, a plus de chance, dans cette procédure, à être classé qu'une modeste propriété, limitée financièrement, mais produisant un vin de qualité.
En étant un peu brutal, on peut dire qu'on a classé aussi un potentiel touristique, une image haut de gamme, le tout en harmonie avec la ville de St Emilion classée au Patrimoine de l'humanité (et ça, ça amène du monde) ! D'où une certaine priorité ressortant de ce classement pour des beaux domaines.
Donc, Croque-Michotte, appuyé sur un solide dossier listant toutes les erreurs, incohérences constatées dans l'argumentaire qu'il a reçu justifiant son "non-classement", sollicite des autorités compétentes que son dossier soit revu à la lumière de ses commentaires particulièrement argumentés.
La crainte est nette : on imagine difficilement que ces autorités reconnaissent ainsi des fautes d'analyse, car d'une part ce serait marquer de doutes ce classement tout neuf, et surtout ce serait la porte ouverte à d'autres réclamations.
Bien sûr, il est aussi hors de question, pour éviter tout problème, de classer tous les domaines qui l'avaient souhaité.
Comme Croque-Michotte avait déjà été le "mouton noir" en 2006 avec quelques autres châteaux, je n'ai pas besoin de vous faire de dessin sur le stress que subit cette famille modeste ayant du mal à accepter ce qu'elle ressent comme une injustice mais ne voulant pas non plus être le méchant petit canard pour des décennies à venir. Empathie.
Mais surtout, il semble bien que d'autres propriétés veulent en découdre quelque soit la décision des autorités (INAO, Conseil des Vins de St Emilion) au sujet de la réclamation en cours de Croque-Michotte.
Du coup, la question fondamentale (un peu double, je le reconnais) :
a : faut-il vite recourir avant la signature du Ministre sous peine qu'après, c'est trop tard (légalement, s'entend) ?
b : un recours (et sous quelle forme) est-il de facto et de jure suspensif du classement ? Car, si c'est le cas, gageons que ce sera l'acte de décès de cette nouvelle classification. On rejoindra la sagesse de Pomerol.
On n'est pas sorti de l'auberge !
Ma conclusion ?
Etant fondamentalement et par nature pour la paix des ménages, je conseille à Monsieur Carle de ne rien faire, de montrer sa valeur par la qualité de ses vins (nous savons tous que le meilleur outil pour établir une hiérarchie, reste, malgré ses défauts, la hiérarchie des prix), et d'éviter ainsi un séisme local, par son fait, qui risque de toutes façons d'être déclenché par d'autres. Il semble avoir entendu. On verra.
Une chose est sûre : son 1949 était d'une beauté absolue. Aucune oxydation, une réel velouté avec une belle matière, et je doute que tous les classés puissent ainsi présenter d'anciens millésimes de ce niveau. Merci pour ce cadeau royal !
Un beau moment d'émotion.