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Vulgarité, grossièreté, obscénité, l’art de la déploration

Publié le 12 septembre 2012 par Vogelsong @Vogelsong

“Etre passé de la chair à canon à la chair à consensus est certes un “progrès”. Mais ces chairs se gâtent vite : la matière première consensuelle est essentiellement putrescible et se transforme en unanimité populiste des majorités silencieuses, qui n’est jamais innocente”. Gilles Châtelet dans “Vivre et penser comme des porcs”

Libération singe N. Sarkozy pour affubler de “riche con” un oligarque qui prend ses cliques et ses claques pour d’obscures histoires de cassettes et de magots. Harpagon coutumier des escapades anti gauchistes, puisqu’en 1981, il fit l’insigne honneur aux USA d’y émigrer. Conséquence d’un probable déferlement de blindés soviétiques sur nos vierges contrées. Après 10 années de droite, tantôt libérale, tantôt réactionnaire, souvent les deux, c’est par la déploration que fut accueilli ce léger soufflet à l’endroit de l’homme le plus riche, et donc le plus puissant du pays. Faute de s’enthousiasmer même modiquement en lisant enfin quelque chose de symboliquement violent envers le dominant, une farandole de pleureuses s’est empressée de se couvrir le nez, d’agiter leur éventail, de porter leur poignet sur le front frôlant le malaise vagal.

Christopher Dombres

Christopher Dombres

Les premiers à tirer furent les journalistes du Monde, cet institut de la sagesse et du savoir-vivre. La une de Libération canonnée sur twitter, Samuel Laurent de go pointa la défaite idéologique d’un camp qui utilise les mots de l’autre. Au Monde quand il faut dézinguer un média concurrent, on verse vite dans l’intellectualisme. Au risque même de se couvrir de ridicule tant en y regardant de plus près, le ralliement sémantique de ce même journal (dit de référence) à l’univers managérial est patent. Que ce soit pour l’Europe, l’économie ou l’écologie, la rédaction du Monde n’a aucun scrupule à piller le jargon économique dominant, “vert”, “durable”, “flexibilité”, “équilibre”, tout y passe sous toutes ses formes…

Étaler sa maigre science cognitive, pour affirmer que les mots forgent la pensée, en d’autres termes que celle-ci n’arrive pas seule mais accompagnée de termes connotés modifiant la perception du sujet, c’est revenir au b-a ba de la communication politique. Or striduler comme certains blogueurs ou commentateurs sur un retour au Sarkozysme relève de la posture geignarde. Un retour du Sarkozysme dans les termes et dans la violence des termes dit-on. Si les mots sont importants, il reste néanmoins les actes. La violence.

La violence économique dont N. Sarkozy ne fut seulement qu’un produit. Une violence qui perdurera tant que les dominés demanderont poliment un bout de laisse supplémentaire.

La vraie victoire du Sarkozysme consiste à susciter chez de potentiels détracteurs une empathie pour un dominant que l’on brusque. Une déploration malsaine renvoyant dos à dos ceux qui sont victimes de plans sociaux par exemple, attendus aux guichets de pôle emploi, et les oligarques que l’on affuble de sobriquets peu reluisants. En totale contradiction avec les canons habituels de l’encensement dans la presse et la rutilance de “nos capitaines d’industrie”. Cette race de seigneurs qui légitime les saintes inégalités des sociétés de classe et de marché.

Le “Riche con” indubitablement grossier ramène l’oligarque en question à une stature un peu moins impériale. Mais permet peut-être de se distinguer de la vulgarité quotidienne dont il est le vecteur. Une vulgarité que ne se paie pas de mot. Une vulgarité de cheptel consumériste, brassant l’ennui des cerveaux, titillant les misérables désirs du luxe. De surcroit dans un univers en déconfiture.

L’obscénité finalement, revient à se fabriquer de faux stratagèmes pour soutenir la bienséance envers l’ultra classe. Dans ce cas, utiliser une locution de deux mots (riche-con), pour affirmer que l’éloge de la cupidité relève bien de la connerie. Bien que certains à gauche refusent d’en convenir pour des raisons d’hygiène linguistique, reprenant à leur compte la sémantique managériale de l’euphémisation. Un mode de communication façonné pour éradiquer les conflits, en les transformant en douce soumission à l’ordre établi.

Finalement quand les Hommes seront prêts à qualifier de con, un con, l’Humanité aura fait un pas de géant.

Vogelsong – 11 septembre 2012 – Paris


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