Prenons la journée d’hier, j’avais une course à faire. Sur le chemin, je sens que j’ai faim. Au début, j’essaie de me “raisonner”, je me dis que je serais de retour chez moi en soirée que je peux bien attendre 2/3 heures, que ce n’est pas un drame.
Toutefois, plus j’essaie de chasser cette faim de mon esprit et de mon corps, plus je sens qu’elle s’accroche.
N’y tenant plus, je capitule. Je suis allée me prendre un maxi pain choco qui équivaut à en manger deux petit pain au chocolat.
J’en picore quelques bouts sur le quai du RER, mais j’attends de sortir du métro pour le manger en entier (je suis incapable de manger dans le métro à cause de l’odeur et ouais, je suis parfois trop une chochotte moué).
Cette viennoiserie tout ce qu’il y a de plus industrielle est plutôt bonne. Craquante à souhait sous la dent, pas trop cuite, fondante, des barres de chocolat bien en place. J’apprécie. Pourtant, je ne peux m’ôter de la tête cette petite voix culpabilisante et moralisatrice.
Tel un mantra en mode négatif puissance 10, elle me dit que “c’est pas bien de manger à cette heure ci parce que du coup tu n’auras pas faim pour le dîner” et puis que “l’heure du goûter est passée depuis longtemps et tu as passé l’âge” ou “que tu aurais pu te contenter de laisser ta faim diminuée et rester avec la dalle plusieurs heures c’est pas grave” ou ” qu’une pomme aurait été beaucoup plus appropriée, il faut quand même faire un peu attention à ta ligne”.
Tel un mantra en mode positif, j’ai une autre petite voix qui répond “ta faim a bien diminué et tu sauras manger en conséquence au dîner” et “depuis quand le goûter c’est seulement pour les mômes, c’est tout de même pas une loi gravée dans la pierre, non ?” ou “tu avais une faim de loup et c’était une bonne chose de ne pas être restée avec cette sensation de ventre vide, tu t’es écoutée c’est le plus important” ou “j’ai mangé selon mon envie du moment et ma ligne, pfff, ça veut rien dire ma ligne”.
Mouais c’est souvent la battle en moi et quand il s’agit de comportement alimentaire. Je réfléchissais un peu plus tard à ces injonctions et j’en suis arrivée à la conclusion un peu trop hâtive peut-être que je ne m’étais pas encore tout à fait débarrassée de mes pensées négatives datant de ma période “régime/restriction cognitive”.
Fait chier.
Je veux dire ça fait pas mal d’années que je tente d’être dans un équilibre alimentaire et que j’exècre les régimes alimentaires restrictifs (sauf pour raisons médicales, of course) parce qu’ils me semblent être de bons vecteurs pour diminuer l’estime de soi. Pourtant, il y a toujours une partie de moi qui se “surveille”, qui redoute de faire trop d’écarts et qui dans sa manière de manger pense plutôt : rah merdeeeeuuuu, j’ai mangé de telle façon, ça va sûrement me faire grossir. Là où j’aimerais plutôt me dire : chouette, j’ai mangé un truc super bon aujourd’hui, je me suis régalée. Du coup, je “retombe” parfois dans mes vieux démons d’excès alimentaire et c’est douloureux pour moi. Et puis honnêtement, l’équilibre alimentaire, je le pense encore avec l’objectif ultime (pas totalement assumé n’est ce pas)de perdre du poids. Le fait de retrouver une relation apaisée avec la nourriture est un objectif secondaire. Malheureusement.
J’en étais donc à mes considérations, à me sentir déçue par moi-même (ouais carrément déçue), à me dire que mes efforts pour combattre ces ph(r)ases de restriction cognitive étaient vains. Je suis déçue par cette inconstance dont je fais preuve, faisant encore le voyage d’un extrême à un autre, même si cela est moindre qu’avant. J’ai parfois le sentiment que je devrais composer avec cela toute ma vie et ça me fatigue déjà. Et puis en y repensant, je me suis dit que c’était comme ça. Que si je continuais à avoir ce type de raisonnement, il valait mieux tenter de comprendre encore plus au lieu de m’en vouloir d’être encore dans cet état d’esprit. Et puis on se débarrasse pas comme ça de longues années de conditionnement. D’ailleurs, je me suis aperçue de l’importance des notions de poids, de corpulence, du fait d’être mince ou gros dans mon histoire familiale. Encore un truc qui s’est transmis consciemment ou pas dans les interactions générationnelles. En résumé, je me suis dit qu’au lieu de “nourrir” la bête et de rester figée dans mon énervement, je peux continuer à avancer.
J’aimerais faire la lumière sur ce que cache cette envie viscérale de minceur chez moi. Je crois que le meilleur moyen reste d’observer tout ça avec moins d’obsessionnel, mettre de la distance avec cette envie de minceur à la fois tant recherchée, mais aussi tellement redoutée. Me pencher davantage sur ce corps tel qu’il est aujourd’hui au lieu d’être dans une éternelle fuite en avant et de lui prêter une future attention seulement pour le jour où enfin…il sera mince. Lui qui ne demande qu’à s’exprimer, lui qui dans le fond recherche seulement une jolie complaisance, je me dis qu’il serait temps de lui accorder une place de choix, là, maintenant, tout de suite sans attendre.
Sans attendre.