Si la presse norvégienne salue unanimement la condamnation de Breivik à vingt et un ans de prison, elle critique aussi le rôle des psychiatres dans le procès.
28.08.2012 | Solveig Gram Jensen | Courrier international
Après dix semaines de procès judiciaire, la juge Wenche Elisabeth Arntzen a enfin pu, le 24 août, prononcer le verdict du procès d’Anders Behring Breivik, le terroriste d’extrême droite qui, le 22 juillet 2011, a tué 77 personnes à Oslo et sur l’île d’Utøya.
Aux yeux des juges, Breivik est pénalement responsable, et il passera vingt et un ans en prison pour ses actes. La peine maximale en Norvège – qui pourra éventuellement être prolongée. “Un soulagement”, écrit le quotidien norvégien Dagbladeten se réjouissant du fait que ni le procureur ni Breivik lui-même ne disent vouloir faire appel : “Nous ne pouvions espérer mieux.”
Avec ce jugement, le journal Aftenposten espère pour sa part que les familles et les proches des victimes pourront faire leur deuil : “Quand le coupable aura disparu de la scène publique, il sera plus facile pour les proches, la famille et les blessés d’entamer la lourde tâche de reprendre leur vie.”
Mais, poursuit Dagbladet, si le soulagement est aussi intense, c’est aussi parce sue le procès aurait pu se terminer bien différemment à cause du premier rapport d’évaluation de la santé mentale de Breivik. Selon ce rapport, le tueur souffrait d’une schizophrénie paranoïaque, et il aurait donc dû être condamné à un internement assorti d’une obligation de soins psychiatriques.
Comme de nombreux experts ont critiqué ce rapport, une seconde évaluation a été réalisée. Avec une conclusion opposée à la première : Breivik est pénalement responsable.
Dans les 90 pages du verdict, les juges ont, à de nombreuses reprises, souligné et détaillé les faiblesses du premier rapport d’expertise. Exemple : les deux experts estiment que l’accusé présente les symptômes d’une psychose, mais ils n’ont à aucun moment interprété ses déclarations dans le cadre politique, à savoir l’idéologie d’extrême droite à laquelle Breivijk dit adhérer. Ainsi, pour ces psychiatres, le fait que Breivik parle d’une guerre civile en cours fait partie de sa psychose, alors que cette notion est banalement commune dans les milieux d’extrême droite.
Ainsi, souligne le quotidienBergens Tidende : “Ce procès a révélé un besoin évident de réfléchir profondément au rôle dominant de la psychiatrie dans la justice norvégienne”. Pour Aftenposten, il semble désormais impossible que la commission médico-légale reste en place : “Elle a perdu la crédibilité qui devrait assurer la qualité des déclarations médico-légales. C’est une situation impossible.” Le quotidien estime qu’il faudrait que les psychiatres de cette commission démissionnent : “S’ils persistent à continuer comme si de rien n’était, d’autres devront leur expliquer noir sur blanc[qu'ils doivent partir].”
Dans tous les cas, le chapitre Breivik ne s’arrête pas ici, estime le tabloïd VG. L’an prochain, les Norvégiens éliront leur prochain Premier ministre, et l’affaire Breivik reviendra au centre de la campagne. Si Jens Stoltenberg, le Premier ministre social-démocrate sortant, a su gérer la crise de juillet 2011, on peut en revanche lui reprocher de n’avoir pas mis en place les mesures de sécurité qui auraient pu empêcher les attaques, en particulier celle qui a visé les bâtiments du gouvernement en plein centre d’Oslo, le 22 juillet 2011, rappelle VG. Le rapport sur les événements du 22 juillet, sorti il y a quelques semaines, critique en effet et le gouvernement et la police pour n’avoir pas su empêcher Breivik de mener à bien ses sinsitres desseins. Depuis, la droite remonte dans les sondages ; certains vont jusqu’à la donner gagnante, si l’élection se déroulait aujourd’hui.
http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2012/08/28/l-apres-breivik-peut-commencer
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