Depuis le 6 septembre, l’Étrange Festival nous étonne à coup de films fantastiques, parfois drôles, d’autres fois dérangeants et que nous n’aurons pas toujours l’occasion de voir autrement en salles. Avec un programme chargé, on vous parle déjà pour commencer des 6 premiers films vus : Head Hunters, Redd Inc, Un Jour de Chance, Citadel, Motorway et Iron Sky.
C’est donc le scandinave Head Hunter qui ouvrait le festival en bénéficiant déjà d’un bon bouche-à-oreille. Lorsqu’un chasseur qui joue au trafic d’œuvres d’art en espérant garder l’amour de sa femme, il y a forcément un moment où ça tourne mal. En particulier quand la victime du nouveau coup se révèle être un ex-mercenaire qui n’a pas l’intention de se laisser faire. Le film commence ainsi comme un traditionnel thriller venu du froid avec un ton noir, un héros dépressif et légèrement pathétique et des pions qui se mettent en place petit-à-petit.
Puis tout change radicalement à mi-chemin. Le thriller glacial mute d’un seul coup en comédie burlesque qui voit notre héros tomber dans un merdier bien plus grand que ce qu’il pensait. Il faudra alors se réadapter à l’histoire telle qu’elle évolue à partir de ce moment là. Et si on y arrive, on pourra alors se régaler d’un humour noir et méchant qui pousse encore plus loin l’absurdité de la situation dans laquelle s’est fourré notre anti-héros et son entourage. Naviguant ainsi entre les genres et bénéficiant d’un interprétation impeccable, Head Hunters se regarde donc agréablement et annonce un bon début de festival.
Après la comédie, place ensuite à un film plus trash venu d’Australie : Redd Inc. Dans ce huis-clos, on ne rigole pas avec le travail, surtout quand un patron accusé de meurtre kidnappe des personnes pour les faire enquêter sur l’affaire afin de le disculper. Étant donné le sujet, on aurait pu s’attendre à une véritable satire du monde du travail, en particulier en période de crise. Mais ce ne sera pas le cas. Le réalisateur s’est mis en tête qu’il avait là de quoi faire un huis-clos naviguant vers le torture porn, mais il n’aura malheureusement bien du mal à tenir son sujet.
Entre les incohérences qui pleuvent, un manque de rythme évident, une mise en scène qui patine, une écriture prévisible et des personnages clichés et inintéressants, on a vite fait de vouloir quitter le job pour aller voir ailleurs. Ce n’est donc pas avec ce Redd Inc que l’Australie, habituellement pourvoyeuse de bons films trashs va briller cette année.
La seconde journée sera illuminée par Un Jour de Chance, la nouvelle face d’Alex de la Iglesia qui a embarqué Salma Hayek (rien que ça) dans une glorieuse satire du travail, de la crise et des médias. Un joli programme qui prend corps dans l’histoire de Roberto. Ancien publicitaire à la recherche d’un boulot, un malheureux concours de circonstances l’amène dans un chantier où il finira avec la tête plantée dans une tige de fer. Pas mort sur le coup mais ne pouvant plus bouger, les secours s’organisent tandis que les médias se bousculent sur place pour couvrir l’événement.
Se déroulant alors quasiment sur un lieu unique et autour de son malheureux héros qui n’a plus le sens des réalités, préférant accorder une interview pour gagner de l’argent que voir sa famille, Un Jour de Chance entame un discours très acerbe sur notre monde gouverné par l’argent et la médiatisation au détriment des valeurs familiale. C’est moral certes, mais ça remet au moins quelques valeurs en places. Si on peut déplorer quelques baisses de régime régulières, la galerie de personnages présentés pour l’occasion est en tous cas assez savoureuse, de Salma Hayek en mère incorruptible au publicitaire poussant la marque de son client juste à côté du héros à chaque fois qu’une caméra passe à côté. Sans doute pas le meilleur du réalisateur (il faut dire que Balada Triste était assez immense), Un Jour de Chance est tout de même un bon moment assez grinçant à savourer.
Place ensuite au beaucoup moins drôle Citadel. Premier film de l’irlandais Ciaran Foy et première sensation forte du festival. On va bien retenir le nom de ce jeune réalisateur face à ce premier qui place à un jeune père devenu agoraphobe après le meurtre de sa femme par un gang. En plaçant son histoire dans une banlieue désaffectée ressemblant à un no man’s land où les junkies attaquent quiconque sort, le réalisateur traite son sujet dans une atmosphère étouffante. Navigant toujours entre la réalité et le fantastique sans acter un point de vue clair, il joue ainsi avec nos perceptions et celles de son héros (remarquablement interprété par ailleurs).
Car ici, dans un monde presque post-apocalyptique, les junkies sont des zombies qui se nourrissent de la peur et l’on se demande si nous sommes alors dans un film fantastique ou dans l’imagination du malade qui tente de trouver la force pour vaincre sa pathologie et ainsi aller au secours de son enfant. Avec une réalisation anxiogène qui n’hésite pas à aller dans le pessimisme et le choc, les montées d’angoisses se font ici régulièrement sentir, comme un malaise devant une peur primale qui est celle de l’autre et de l’intrus. Et si la dernière partie compte nombre d’incohérences et ne tient pas toutes les promesses, on reste tout de même scotché devant la maîtrise de l’ambiance pesante dont fait preuve le réalisateur à suivre.
On entame le weekend avec le hongkongais Motorway et nous aurons bien du mal à résumer l’histoire tellement celle-ci se révèle floue et inintéressante. On retiendra seulement que des flics pourchassent des trafiquants, avec apparemment un diamant volé et qu’il y a donc des poursuites de voitures. Mais voilà, le réalisateur trop attaché à la technique de réalisation et aux techniques de conduite de ses personnages oublie l’essentiel : raconter une histoire avec des personnages intéressants. Ici, rien du tout et si on appréciera la qualité de la photo, c’est bien tout ce qui nous marquera tant les poursuite manquent d’adrénaline et d’enjeux. Ajoutons à cela une initiation plutôt fumeuse du héros aux techniques de dérapages et on a alors l’une des principales déceptions du festival. On s’attendait à un festival d’action et de courses-poursuites lisible et percutant … on est loin du compte … très loin.
Puis place à l’attendu Iron Sky. Le film qui fait buzzer le net depuis 3 ans en impliquant ses fans dans la production en promettant des nazis cachés sur la Lune depuis la fin de la seconde guerre et qui ont décidé de se venger aujourd’hui en attaquant les Etats-Unis. Le pitch né d’une soirée arrosée entre amis est prometteur et annonçait son lot de bonnes blagues et de sarcasmes sur les USA pour un nanar enjoué. Hélas, les projets nés dans l’alcool ne sont pas toujours aussi prometteurs une fois arrivés sur grand écran.
Alors bien sûr, pour une production de ce calibre, on reconnaitra que côté effets visuels, hormis quelques passages, ça a plutôt de la gueule et les comédiens la joue second degré avec grand plaisir. Hélas, cela ne fait pas tout et le film souffre de gros problème d’écriture. Que ce soit l’histoire assez bordélique ou les dialogues qui, à part quelques catchlines bien sympas, tombent presque toujours à plat, il n’y a finalement pas grand chose qui fonctionne dans ce joyeux bordel qui manque vraiment d’un grain de folie et de trash supplémentaire qu’aurait pu apporter un réalisateur du calibre de Paul Verhoeven (au hasard). Finalement, Iron Sky la joue alors assez « petits bras» et c’est bien dommage car le concept promettait pourtant un délire beaucoup plus bête et méchant.
A suivre : la nuit zombies avec Zombie Ass, Cockneys vs Zombies, Gangsters, guns & zombies et Osombie