Dans un précédant article nous avions présenté les "règles de bases" pour tout joueur de poker. Tout joueur de poker souhaite appréhender les signes de bluff. Nous vous proposons ici de décrypter une vidéo de poker dans laquelle James Kier tente de bluffer la légende du poker, 10 fois champion du monde : Doyle Brunson. Pour cela nous vous invitons à regarder la vidéo suivante :
Nous pouvons déjà observer une différence entre les deux joueurs : c'est leur attitude corporelle. Doyle Brunson (le vieil homme au chapeau de cowboy), est détendu et ne quitte pas son adversaire du regard. Chaque geste est précis, réfléchi. Son adversaire se fait plus discret, mais cela n'est pas pour autant un signe de bluff. Doyle Brunson ne se laisse pas prendre face aux relances de James Kier, et paie jusqu'au bout, même en ayant rien en main, pour éventer le bluff. Un autre joueur lui dira même à la fin de la main : « Tu espérais vraiment bluffer Doyle Brunson ? »
Quels sont les possibles signes qui ont pu mettre Doyle Brunson sur la piste du bluff ? Plus de 50 ans de pratique du jeu lui ont sans aucun doute donné un instinct aigu du poker et un bon sens d'observation des attitudes non verbales des joueurs. Tout d'abord, un joueur de poker se prépare souvent avant même de voir le flop (les cartes visibles sur le tapis de jeu dans le cas présent) à être en position de bluff (Ristat, 2012). Quelquefois, le joueur touche son tirage et n'a donc pas l'effort à faire de « mentir ». Par contre en cas de bluff, la stratégie corporelle du bluffeur commence dès qu'il a ses cartes en main. Dans cette vidéo, Kier ne déroge pas à la règle, il se place en position de bluffeur dès le début : il se microdémange le dessous du nez gauche à t = 23 seconde (voir photo ci dessous). Cette attitude non verbale peut être suivant le contexte un signe de mensonge ou de non-dit (Turchet, 2009) :
Lorsque c'est à son tour de parler, les paupières de Kier sont très actives : c'est un signe de réflexion. Quand on a touché les cartes que l'on veut, on réfléchi rarement à la stratégie à adopter, on a juste à attendre que le joueur d'en face se piège de lui même (on utilise le terme de « slow-play » voir l'article "Poker : langage corporel de Matt Damon lors d'un slowplay"). Quand il mise, Kier s'attend à ce que Brunson se couche. Il n'a rien, et pense que Brunson n'a rien non plus. Son analyse est juste, mais Brunson sait que quelque chose cloche : la mise est bien trop forte et parallèlement le corps de Kiev le trahit. Quand le champion du monde le paie, Kier inspire fortement avant de faire une micro-expression de dégoût (t = 39 seconde) : il n'est pas content d'être payé. Vous pouvez observer cette micro-expression sur la photo suivante, la lèvre supérieure droite se lève, la base du nez se plisse :
Il tente un dernier bluff, cette fois-ci sans grande confiance. Nous pouvons observer des sanpakus en bas de ses yeux (les sanpakus sont le blanc de l’œil situé entre la paupière inférieur et l'iris). En situation de confiance, les fentes palpébrales, au niveau des yeux, remontent et les sanpakus ne sont pas visibles. En situation de mal être, ces fentes sont moins hautes et laissent entrevoir la sclère (blanc de l'oeil) : Kier ne souhaite vraiment pas être payé !
Doyle jauge son adversaire, ils ne se quittent pas du regard. A t = 1,32 minute, on peut voir une légère déglutition de Kier : une émotion négative le traverse. Deux secondes plus tard, Brunson paie et évente le bluff. Une superbe démonstration de lecture d'une légende du poker !
Pour d’autres articles sur la communication non verbale au poker : Poker
Références :
- Ristat. (2012). Les items synergologiques au poker. Rapport de synergologie 2012.
- Turchet. (2009). Le langage universel du corps. Editions de l’homme.
Article publié par Xavier Ristat, Synergologue. Retrouvez aussi Xavier sur son site Cygnification.