C'est aujourd'hui que commencent les travaux de fouille destinés à atteindre et à colmater la fissure qui est apparue dans le mur du sous-sol. Levé à six-heures et demie. Comme nous avons passé l'heure d'été, il fait nuit noire et il me semble être subitement revenu dans l'hiver, à reculons. Lorsque je rentre après avoir administré mes quatre heures de cours, une tranchée profonde de plus de deux mètres, large de un, longue de quatre, a été ouverte devant le mur du bureau. La pelle mécanique – Komatsu – est au repos. À deux heures, M.M., l'entrepreneur, est de retour. Il me montre l'imperceptible lézarde qui court le long du mur, sous la terrasse. C'est elle qui a causé les infiltrations. Il perce une bouche d'aération au sommet du mur. Cela fait grand bruit. Impossible de rien faire. Et puis il a plu, il tombe à deux ou trois reprises, des flocons, un temps contraire aux travaux en plein air. Je quitte à nouveau la maison, vers quatre heures, pour le conseil de classe des cinquièmes. La R21 produit au moindre cahot, un bruit de métal entrechoqué que j'ai entendu, pour la première fois, samedi, en reculant. Comme si ce n'était pas assez de complications ! Je téléphone au garage des Ullis. Le rendez-vous est fixé à vendredi. Comme je crains que la voiture ne m'abandonne n'importe où, je la conduirai dès demain au garage.
Conseil de classe, agacement, écœurement. Je rentre à six heures et quart. Sur le paillasson, un mot de Paul, avec une faute d'orthographe. Il est chez nos voisins parce qu'il a oublié ses clés. Je lui avais bien dit, hier, que je ne pourrais pas venir le chercher à son collège, étant occupé dans le mien. Il n'a pas entendu. Et déjà, il s'est installé devant l'ordinateur et perd son temps à des jeux dignes, à peu près, d'un enfant du cours élémentaire alors qu'il a, demain, un contrôle d'histoire. Tant de négligence, de paresse, d'inconscience, à bientôt quinze ans, m'irritent considérablement. M.M. a aveuglé la fissure, comblé la tranchée. Un travail soigné. Il a déposé les pieds de lavande sous la fenêtre du bureau, évolué précautionneusement entre les arbres fruitiers, sur la pente. Mais le devant de la maison est à nouveau bosselé, saucé de glaise, et le versant du terrain labouré par les chenilles. Il va falloir manier la pelle et la pioche et cette perspective, fatigué que je suis, me démoralise. Couché tôt.
Pierre Bergounioux, Carnet de notes, 1991-2000, Éditions Verdier, 2007, pp. 543-544.
Voir aussi :
- (sur Terres de femmes) 7 novembre 1992/Pierre Bergounioux, Carnet de notes 1991-2000.
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