Un rien peut me perturber une projection. Et parfois cela n’a rien à voir avec les autres spectateurs, rien à voir non plus avec les qualités de projection, non, parfois, ce n’est vraiment rien. Dimanche soir, pour la projection de « Games of werewolves » (en VO, "Lobos de Arga"), l’Étrange festival avait invité le réalisateur espagnol du film, Juan Martines Moreno, et son acteur principal Gorka Otxoa. Bon certes la grande salle 500 n’était même pas à moitié pleine, mais l’enthousiasme du cinéaste à l’idée de présenter son film dans « la capitale mondiale de la cinéphilie » comblait le vide. Après quelques mots sympas, une petite présentation du film, et quelques mots de l’acteur, le réalisateur nous annonça qu’il avait un petit cadeau pour nous avant de nous laisser regarder le film. Quelque chose qu’il avait l’habitude de faire lors des séances de questions/réponses en fin de projection, mais puisqu’il n’y aurait rien de tel à l’issue de cette projection, il nous proposait de le faire sur le moment. Un petit quiz sur les films de loups garous qui vaudrait à deux personnes dans la salle un comic book tiré du film et la bande-originale pour accompagner.
Et alors que le film commence. Je repense à l’acteur du « Loup-garou de Londres ». Comment s’appelle-t-il à la fin ? Sam… Non, ce n’est pas ça… Dan… non plus. David… Je ne sais plus. Et son nom de famille, ne finit-il pas en « -on » ? Non, en « -ell » je crois… Ça n’a pas quitté mon esprit pendant les trois premiers quarts d’heure du film. Tomas le jeune écrivain qui retourne dans le petit village où il a passé son enfance, un village où pèse une malédiction et où sévit un loup-garou. Tomas ne sait pas que les villageois veulent le sacrifier au loup-garou pour mettre un terme à leur malédiction. Pourra-t-il s’en sortir ? J’essayais de consacrer pleinement mon attention à cette comédie horrifique qui me semblait parfaitement réjouissante, mais rien à faire, mon esprit revenait constamment à l’acteur du « Loup-garou de Londres ». Jusqu’à ce qu’enfin j’arrive à glisser cette obsession sous un tapis de mon cerveau, pour me plonger entièrement dans « Game of Werewolves », alors que la moitié du film s’était déjà envolé. Carlos Areces, l’acteur principal de « Balada Triste » d’Alex de la Iglesia, acteur in dans le cinéma espagnol actuel, tient l’un des rôles principaux du film et contribue à apporter de la joie à cette farce macabre rendant joliment hommage aux classiques du genre. Rires et sursauts se sont mêlés et ont finalement réussi à m’emporter.
Cela tombe bien parce que quelques heures plus tôt, j’étais tombé sur un os. Le premier à cette 18ème édition de l’Étrange Festival. Le problème quand un festival commence sur les chapeaux de roue, c’est que la baisse de tension est presque inévitable. A voir au moins deux films par jour, à un moment ou à un autre, on est condamné à tomber sur du mauvais, il faut seulement espérer que cela arrive le moins possible. Du vraiment mauvais, pas de la simple déception comme Motorway la veille. En même temps il serait difficile à l’Étrange Festival de nous en vouloir de ne pas aimer un film lorsque Rurik Sallé qui introduit le film (celui-là même qui nous avait survendu Motorway) laisse entendre que le film n’est pas exceptionnel.
Louis Khoo, loin des polars contemporains de Johnnie To, fait ce qu’il peut, mais rien n’y fait. C’est un film déjà fatigué, déjà dépassé, déjà inutile, qui ne trouve un sursaut de vie que dans une réplique qui semble parfaitement déplacé mais a le mérite, enfin, de nous sortir de l’encéphalogramme désespérément plat (Louis Khoo balance un mystérieux liquide à son ennemi « Tiens c’est de la pisse de vierge, ça fait des années que je la garde, c’est ma touche personnelle ! » que personne n’a vu venir). C’est la première et (et dernière j’espère) fois que je me demande, depuis le début du festival, ce qu’il est passé par la tête des programmateurs pour nous offrir un tel spectacle. Après cela, le niveau ne pouvait que remonter, et ce fut donc le cas avec les loups garous espagnols.
Et puisque l’on reparle de « Games of Werewovles », c’est alors que je passai le tourniquet du métro pour rentrer chez moi, à la fin de la journée, que le nom de l’acteur américain du « Loup-Garou de Londres » s’est enfin matérialisé dans mon esprit : Griffin Dunne ! Mais oui c’est cela, Griffin Dunne ! Comment ai-je pu occulter son nom pendant toutes ces heures ! Griffin Dunne… Et puis rentré chez moi, je suis allé sur IMDb, et je me suis rendu compte que le nom qu’attendait certainement le réalisateur était « David Naughton », que Dunne ne jouait pas le héros mais son pote. Bon sang, je me suis gâché la moitié d’un bon film pour rien. Enfin, même si cela avait été lui, je me le serais gâché pour rien. Je me disais aussi… je savais bien que je n’étais pas un spécialiste du film de loups garous !