Libé vient tout juste de rafler le Grand Prix des médias 2012 par CB News. Et d’après Nicolas Demorand, cette récompense s’explique notamment par l’originalité de ses Unes. Pour le coup, la Une de l’édition d’aujourd’hui frappe fort, très fort.
Un véhément « Casse-toi riche con » à l’adresse de Bernard Arnault, première fortune d’Europe, et demandeur de la nationalité belge, a-t-on appris ce week-end. (D’aucuns en ont conclu que le propriétaire de LVMH tentait une évasion fiscale… Mais le sujet n’est pas là).
Libé est-il allé trop loin ? Cette provocation est-elle une énième illustration de son esprit farouchement indépendant ? Ou en détournant la formule tout aussi fleurie de notre ex-Président (« Casse-toi pauvre con », lors du salon de l’Agriculture 2008), le quotidien frôle-t-il le racolage pur et simple à l’image des tabloïds anglais ?
En tout cas, la Une crée le buzz, un très gros buzz même (on salue le coup marketing et le choix de cette photo très appropriée). La twittosphère est en ébullition depuis hier et journalistes et twittos s’emballent sur ce choix éditorial. « Les faits, l’analyse, les éditos, les opinions, toutes les opinions: oui. L’insulte, non ! Demain, #Libé se prend pour un tabloïd », écrit Thomas Sotto de M6. Le grand reporter Jean-Paul Ney n’a pas franchement apprécié non plus : « @ndemorand et sa clique de @liberation_info oublient qu’ils ont un RICHE CON de patron. Vive le « journalisme » ». Une référence à Edouard de Rothschild, le propriétaire de Libé, dont Julien Balkany rappelle dans un tweet : « En stigmatisant B. Arnault #Libé est hypocrite. Qu’a dit Libé quand son proprio E. de Rothschild, a pris la nationalité israélienne en 2010? » A l’opposé, Renaud Revel de L’Express souligne sur son blog « un quotidien géré au cordeau et viscéralement attaché à son indépendance. Bel exemple ».
Injure ou droit à la provocation ? Le langage employé est salé, mais Libé pourra toujours plaider la parodie, comme l’explique Christophe Bigot, un avocat spécialisé en droit des médias, dans le Nouvel Obs. Et les premiers intéressés, qu’en disent-ils ? « S’il y a une certaine dureté, une certaine vulgarité à la Une de Libération, c’est précisément parce que la situation l’est aujourd’hui. La décision de Bernard Arnault contient aussi une dose de vulgarité que nous renvoyons dans un effet boomerang », souligne Vincent Giret, le directeur délégué de la rédaction de Libération