J’ai rencontré Christophe, à l’occasion de la sortie de son album ‘la ballade de Magdalena”, à coté de la Galerie Daniel Maghen qui lui consacre une exposition.
J’espère que cet échange vous permettra de comprendre un peu l’univers de cet auteur dont je chronique son album très bientôt.
Un amour de BD- La Ballade de Magdalena a été édité simultanément sur My Major Company et par Le lombard. Pourquoi as tu fait ce choix et qu’est-ce que cela t’a apporté ?
C.D – J’ai signé avec le lombard. C’est l’éditeur de l’Album, mais au deux tiers de l’avancée, l’éditeur m’a appelé pour me dire : on essaie de faire un nouveau truc. Pour faire parler des Tomes 1 des albums d’auteurs moins connus, par ce nouveau biais, on propose sur le web de faire le buzz, et de faire voir l’album avant qu’il ne sorte. C’est tout un travail en amont de découverte de la bd, du marketing. Ce qui m’a intéressé aussi, c’est l’échange avec un public généraliste qui ne venait pas du monde de la bd. Ca n’a pas eu d’incidences fortes sur mon album, car il était déjà storyboardé. Mais humainement, c’était sympa. Moralement, le côté plébiscite matérialisé par une jauge d’agent était angoissant, mais ca c’est bien passé. Le défaut du système, c’est le temps supplémentaire que cela prend de montrer le travail en cours et de le mettre en valeur.
Un amour de BD- Comment as-tu vécu le fait d’être pour la première fois scénariste et dessinateur ?
C.D – J’avais fait une première série avec un scénariste, parce que je venais d’un autre monde (pub, musique) et je trouvais rassurant de travailler avec Nicolas. Je ne connaissais pas trop l’écriture Bd. A la fin du “Cycle d’Ostruce”, j’avais envie de raconter certains types d’histoires, d’ambiances. J’avais plein d’idées, et même si c’était risqué, j’ai monté un projet. J’ai créé un dossier avec les caractéristiques des personnages principaux et une histoire construite, avec une vraie fin, un développement en 2 tomes, quelques planches d’essai et des illustrations pour le synopsis. J’ai proposé au Lombard le projet. D’autres éditeurs étaient preneurs, mais j’aime travailler avec eux.
Un amour de BD- Tu as apprécié ce travail « solitaire » ?
C.D – J’apprécie beaucoup. Pour moi, la finalité, c’est d’écrire l’histoire, de la dessiner. Je m’immerge dans l’histoire. Elle est tout autour de moi et je me promène dedans. Comme c’est dans un contexte historique, je me suis documenté, pour m’immerger dans ce monde. Etre seul, c’est idéal pour cela.
Un amour de BD- C’est un voyage sur la mer. Tu es très à l’aise sur le thème maritime, en terme de couleur, de matière. En tant que lecteur, j’ai pris du plaisir à te lire et j’ai ressenti un vrai plaisir de ta part. Pourquoi as tu choisi ce thème ?
C.D – C’est un univers qui me fascine depuis l’enfance. Ca me fait rêver. C’était évident que je devais raconter dans ce contexte.
Un amour de BD- Tu fais du bateau ?
C.D – Oui, (Rires). je n’habite pas près de la mer, (en Suisse) mais au bord d’un lac. Je fais du bateau. Je régate.
Un amour de BD- Ce n’est pas juste une histoire ?
C.D – Non, il faut que j’y sois. C’est important pour moi et ça participe à mon plaisir.
Un amour de BD- Quand on lit ton histoire, on pense à Pratt, dans les thèmes abordés, les personnages (Lukian ressemble par son physique et son caractère à Corto). Pratt t’a influencé ?
C.D – C’est mon auteur favori. Ce fut une révélation quand j’avais 14 ans. J’appréciais sa manière de raconter, mais surtout, j’ai réalisé que ça se passait dans un contexte réel. Certains de ses personnages avaient existé. Il m’a ouvert une porte vers cet univers maritime du début du siècle. C’est une période magnifique, extrêmement dense et riche. J’ai fait mon histoire avec cette matière, mais n’est pas Pratt qui veut. On ne raconte pas les mêmes histoires. Je me situe dans la même époque et j’y suis arrivé grâce à lui. Graphiquement, j’aurais peut-être dessiné Lukian différemment… Je ne lui ai pas mis de casquette ni d’uniforme, mais il fait penser à Corto.
Un amour de BD- >L’album se nomme « la Ballade de Magdalena », mais Magdalena est le personnage féminin le moins fort. Elle subit le voyage. Pourquoi choisir ce titre qui fait le focus sur un personnage qui n’est pas central ?
C.D – Pour moi, c’est le personnage principal : un personnage un peu névrosé, qui vit en autarcie, qui raconte. Ce côté passif fait d’elle un bon conteur. Mais on ne peut pas rester passif. A un moment, son monde éclate, avec l’arrivée de la seconde guerre mondiale. Au fur et à mesure que Lukian perd pied, Magdalena se construit et interagit avec l’histoire. Elle prend un rôle, qui va lui coûter. Dans l’idée de ballade, de complainte, elle commence en étant peu de chose et se construit jusqu’à la fin.
Un amour de BD- J’ai l’impression que les personnages féminins s’affirment en résistant. C’est comme ca que tu le perçois ?
C.D – C’est comme cela que je le voulais. A la scène finale du premier tome, en face de Lukian qui perd les pédales, La fille de Ars est en même temps fragile et complètement dominatrice. Non pas par la force, mais par la ruse, l’intelligence.
Un amour de BD- J’aime les variations de ton album. La variété des ambiances colorées, les changements dans le scénario. Est ce un choix délibéré ?
C.D – En matière de Bd, tout ce qui peut rendre la narration la plus claire possible doit être utilisé. C’est intéressant de bien séquencer les scènes différentes. Changer de couleur aide à ce chapitrage.
Un amour de BD- Le travail sur la lisibilité est important pour toi ? Cela se ressent dans ton découpage. Est-ce ta préoccupation et si oui, cela vient-il de ton travail précédent en temps que graphiste ?
C.D – Oui, en temps que graphiste, j’ai appris à travailler l’image la plus lisible possible. Par contre, je n’ai pas appris les enchainements de case. Comme lecteur, c’est très désagréable d’être perdu dans la lecture. J’y suis très attentif.
Un amour de BD- En travail préparatoire, tu réalises l’album entier en lavis. Pourquoi ?
C.D – J’aime travailler par masse (storyboard) et tailler dedans. Commencer par le début et y aller petit à petit. Je n’y arrive pas. Je ne me sens pas à l’aise. Je m’ennuierais rapidement. Là je fais en gros, puis de plus en plus précisément. J’aime affiner le tout. Et ca rend la correction passionnante.
Un amour de BD- A quel personnage de l’histoire t’identifies-tu le plus ?
C.D – Je ne m’identifie pas à lui, mais j’ai le plus de plaisir sur Lukian. Il est totalement à mon opposé. Il est costaud, moi pas. Il y a lui et les autres. Les autres sont plus petits.
Un amour de BD- Et toi, tu es comment ?
C.D – Moi, je suis plus petit. Ce qu’il y a d’amusant, c’est de faire parler un personnage aussi fort.
Merci à Christophe pour sa disponibilité et sa gentillesse. merci à Sophie, son attaché de presse.