L’homme imaginaire
vit dans un manoir imaginaire
environné d’arbres imaginaires
au bord d’un fleuve imaginaire
Sur les murs qui sont imaginaires
de vieux tableaux imaginaires sont accrochés
d’irréparables fissures imaginaires
qui représentent des faits imaginaires
survenus dans des mondes imaginaires
en des temps et des lieux imaginaires
Toutes les après-midis imaginaires
il gravit les escaliers imaginaires
et se poste au balcon imaginaire
pour contempler le paysage imaginaire
qui consiste en une vallée imaginaire
entourée de collines imaginaires
des ombres imaginaires
viennent par le chemin imaginaire
entonnant des chansons imaginaires
à la mort du soleil imaginaire
et lors des nuits de lune imaginaire
il rêve de la femme imaginaire
qui lui a accordé son amour imaginaire
et il ressent de nouveau cette même douleur
ce même plaisir imaginaire
et de nouveau palpite
le coeur de l’homme imaginaire
*
El hombre imaginario
vive en una mansión imaginaria
rodeada de árboles imaginarios
a la orilla de un río imaginario
De los muros que son imaginarios
penden antiguos cuadros imaginarios
irreparables grietas imaginarias
que representan hechos imaginarios
ocurridos en mundos imaginarios
en lugares y tiempos imaginarios
Todas las tardes tardes imaginarias
sube las escaleras imaginarias
y se asoma al balcón imaginario
a mirar el paisaje imaginario
que consiste en un valle imaginario
circundado de cerros imaginarios
Sombras imaginarias
vienen por el camino imaginario
entonando canciones imaginarias
a la muerte del sol imaginario
Y en las noches de luna imaginaria
sueña con la mujer imaginaria
que le brindó su amor imaginario
vuelve a sentir ese mismo dolor
ese mismo placer imaginario
y vuelve a palpitar
el corazón del hombre imaginario
***
Nicanor Parra (né en 1914) – Hojas de Parra (1985) – Traduit de l’espagnol par E. Dupas