Saison 2, épisodes 4 à 22 // 7 780 000 de tlsp. en moyenne
"I may be sixty. I may be short. But I'm damn hot! I sizzle in fact. And I want to win the competition... I want to get the news out there: the law offices of Harriet Korn... we're sexy, we're hip and we're hot!" Cette réplique enthousiaste d'Harriet dans l'un des meilleurs épisodes de Harry's Law (le 2x 17 intitulé The Contest) n'est évidemment pas innocente. David E. Kelley, comme il a toujours aimé le faire, surtout dans Boston Legal, évoque par la voix de son héroïne la fameuse polémique -lancée par le site TVByTheNumbers- qui a fini par coûter la vie à sa série chérie : ses scores abyssales sur la cible fétiche des annonceurs, les 18/49 ans, n'étaient soi disant pas suffisants pour lui permettre d'être renouvelée alors même qu'elle était la série la plus suivie de la chaîne sur le public global et ce malgré trois changements de cases horaires en l'espace d'un an et demi. D'ailleurs, quelques épisodes plus tard, Harriet indique lors d'un réveil difficile qu'elle n'a plus "entre 18 et 49 ans" à son grand désarroi. Quelques jours après la diffusion de ce passage, NBC annulait officiellement Harry's Law. Honnêtement, jusqu'au bout j'ai cru que la chaîne allait lui laisser une deuxième chance et qu'au fond, vu la situation dans laquelle elle se trouvait, elle ne pouvait pas se permettre de se séparer de son show le plus performant. Et pourtant... Ce jour-là, j'ai perdu encore un peu plus de mon innocence téléphagique je crois. Pendant quelques semaines, j'ai gardé espoir en imaginant que la chaîne câblée TNT la récupèrerait, étant donné qu'elle vise justement un public plus âgé et qu'elle développait un nouveau projet de David E. Kelley, Monday Mornings, commandée en série par la suite. Mais non. Du coup, j'ai retardé l'échéance en poursuivant mon visionnage de la saison 2 à un rythme très lent mais il y a quelques jours, il a bien fallu me résoudre à regarder le tout dernier épisode.
Comme je l'avais indiqué lors de ma review des trois premiers épisodes, E. Kelley a revu entièrement sa copie en saison 2, abandonnant les affaires de gangs et autres joyeusetés à la The Wire pour basiquement renouer avec l'ambiance et la structure de Boston Legal, quitte à donner l'impression de ne pas se renouveler. Vu le résultat, on peut dire qu'il a bien fait. A aucun moment Harry's Law n'a tenté de se faire passer pour plus originale qu'elle n'était. Elle a gaiement et sobrement parcouru son petit bonhomme de chemin, avec une actrice principale motivée, qui n'a pas hésité à défendre la série quand elle a senti que le vent commençait à tourner, et une bande autour d'elle qui semblait soudée à l'écran, heureuse d'être là. Ou alors ce sont les scènes de fin d'épisode dans le bar préféré d'Harry qui m'ont induit en erreur, et accessoirement donné l'impression de me retrouver dans Ally McBeal, 30 ans après. J'ai d'ailleurs adoré le petit clin d'oeil dans le final avec la participation de Lisa Nicole Carson alias Renee, la coloc' d'Ally partie en cours de route, que l'on n'avait plus du tout revu depuis. Elle a passé plusieurs années en cure de désintox' après avoir été virée simultanément de la dramédie judiciaire et d'Urgences à cause de son addiction. C'était un beau geste de la part de Kelley de lui offrir ce rôle de juge, même s'il ne lui allait pas très bien. Mais revenons-en à nous moutons. Chaque épisode a donc fonctionné avec la combinaison gagnante "une affaire sérieuse, traitant d'un sujet faisant éventuellement écho à l'actualité + une affaire déjantée, voire grand guignolesque pour détendre l'atmosphère et décoincer nos avocats". Le résultat est invariablement le même : on passe du rire aux larmes d'une scène à l'autre, on est époustouflé par les plaidoiries des uns et des autres, et surtout celles d'Harry bien entendu, et on a l'impression de ressortir de l'épisode un peu moins bête. Cette formule, E. Kelley la maîtrise comme personne.
Parmi les intrigues que j'ai retenu : celle traitant de la télé-réalité, pastichant les célèbres "Real Housewives of..." avec une Jennifer Aspen très à l'aise; celle du jeune homme qui ne pouvait pas donner son sang à son frère pour le sauver car il était homosexuel (de gros frissons au moment de son discours déchirant devant la Cour); celle de la jeune femme gardant un gorille chez elle (c'était du grand n'importe quoi); celle de la femme se transformant en Wonder Woman pour venger les femmes battues (rien que pour le clin d'oeil au remake de Kelley qui a tant fait couler d'encre); celle du divorce de deux personnages très âgées (hyper touchant); celle de l'écolier ayant des réactions physiques incontrôlables lui valant des renvois systématiques (là encore, c'était du grand n'importe quoi formidable); et évidemment celle de l'avant dernier épisode, mettant en scène Jon Bernthal de The Walking Dead dans le rôle du frère d'une victime de viol qui n'accepte pas le verdict du jury et prend en otage toute la salle afin d'obtenir un deuxième procès. Entre le choix de l'acteur (particulièrement parlant auprès des 18/49 ans fans du show d'AMC) et l'utilisation de Skype en cours d'épisode, il s'agissait encore une fois de jouer sur cette bien malheureuse affaire d'audience pour, peut-être, en faire enfin (évidemment, ça a raté) !
Ce dont la série a le plus manqué finalement, c'est de tous les à-coté, en particulier des développements des personnages, relativement légers en dehors des histoires d'amour traitées de manière assez basique et sans parvenir à provoquer un enthousiasme fou que ce soit pour Ollie/Cassie ou Adam/Phoebe (laquelle était un super ajout de casting d'ailleurs). J'aurais préféré un Harriet/Tommy pour tout dire, et ce serait certainement arrivé en saison 3, si saison 3 il y avait eu. Au sujet d'Harry, il a fallu attendre le tout dernier épisode pour en apprendre un peu plus sur son passé. Elle a été mariée trois fois ! Il y avait là le potentiel de nous raconter tout plein de supers trucs. Dommage qu'ils ne s'y soient pas pris plus tôt. Le petit passage piano/voix de Kathy Bates était superbe, tout comme ses larmes en fin d'épisode. Faire revenir Malcom était une excellente idée. Après tout, comme elle le lui dit, sa nouvelle vie a commencé grâce à lui. Sinon, comme en saison 1, ce sont surtout les personnages récurrents qui ont fait le show, entre Sam Berman et son clou dans la tête l'ayant rendu fou; Kim Mendelsohn et son intransigence; Chunhua et son caractère bien trempé; la secrétaire nympho Lisa (hilarante); l'hyper tête à claques Cruickshank; et l'excellentissime Roseanna Remmick jouée par la non moins excellente Jean Smart. En deux saisons, la série s'est créé un bel univers et une jolie galerie de personnages.
// Bilan // Les mois passent mais ma colère quant à l'annulation d'Harry's Law reste intacte : elle ne méritait pas ce destin tragique, elle avait encore plein de choses à raconter, plein de causes à défendre, plein de personnages à développer et plein de nouveaux à inventer. Si sa disparation n'est clairement pas une grande perte pour les annonceurs, elle en est une pour NBC, pour nous et pour toute cette génération de baby boomers qui avaient trouvé une série qui leur plaisait avec une héroïne de leur âge. Et perdre une série de David E. Kelley, c'est par principe très triste pour la télévision. On verra ce que donneront ses futurs projets, que j'ai évidemment hâte de découvrir, mais je ne suis pas prêt d'oublier Harriet Korn. Elle était unique en son genre.