Blaise est un artiste quinquagénaire sans enfant et avec peu de soucis... Quand sa femme l'a rencontré, son aptitude à se plonger dans le présent se manifestait par l'élasticité de son corps. Vingt ans après, le couple a gardé son énergie créatrice -elle pour les livres, lui les arts plastiques- et love son amour insouciant dans une petite «cabane», la modestie du mot édulcorant le caractère bobo de leur vie parisienne – verrière, vélo, et projets de livre-photos... Aussi lorsque le malheur surgit sous forme d'une cellulite cervicale (infection de la graisse du visage), Blaise maugrée au mot «hospitalisation» et ne prend pas la mesure de l'urgence. Le lendemain il n'est plus qu'un tas de chair que des machines assistent. Sa femme est assurée de ne pas voir l'ombre d'une conscience avant trois semaines. Dans son esprit privé de repos, le bal des angoisses habituelles aux parents de malades bat la mesure : que faire ? quand lui rendre visite ? En reviendra-t-il ? Outre d'effarantes questions, le veuvage temporaire lui prodiguera la possibilité de s'extorquer de ses obligations sociales. Une telle liberté, l'inédit de la situation et la découverte d'un nouvel univers (le service réanimation de l’hôpital) développeront les facultés de son imagination... Prolixe, la narratrice lit, écrit.
Simplicité du roman, nécessaire leçon de résilience
Dans son journal intime (le roman est présenté comme tel), elle sublime son homme. De telles rêveries qui cristallisent l'amour sont parfois redondantes et ennuyeuses : pour le lecteur et pour elle, l'attente se fait longue... La grande simplicité du livre -phrases courtes, récit chronologique du quotidien- n'aide pas non plus à justifier un quelconque prix littéraire. Qu'importe, suivant l'exemple de l'héroïne du récit, le lecteur ne butinera que le meilleur : une leçon de résilience, le recours aux références mythiques de l'auteur et le rappel qu'en dehors des cerveaux génies, la pensée paresseuse est une belle endormie. Non fouettée par des nouveautés, elle retourne à sa léthargie...
Réanimation, Cécile Guilbert, Grasset, août 2012, 269 p.
"Alors que l'imagination d'intrigues, d'aventures et de personnages m'a toujours fait défaut, qu'aucune histoire ne me vient jamais à l'esprit et qu'au fond, je n'ai jamais eu envie d'en écrire, toute une cohorte d'historiettes, de sujets de nouvelles, de petits romans se bousculent dans ma tête depuis quelques jours." p233