Paulette Mag
Alors qu’aujourd’hui les hipsters, swagueurs et autres sea-punks affichent leur panache et leur panoplie en paradant chacun de sa démarche étudiée, on en oublierait presque cette vieille histoire d’amour entre les fringues et la musique. Longtemps, le look a été intimement lié à la musique, et par extension à la danse. Et parmi tous ces pas, il en est un dont on ne parle que trop peu : le voguing.
La légende veut que cette danse ait été lancée par les détenus de la prison de Rikers Island se livrant à des confrontations de poses inspirées par les couverture des magazines de mode, Vogue en tête. Caricaturales, les poses de bases reprennent les basiques de la photo de mode des années 60 : déhanché, mains sur les hanches, ou encadrant graphiquement le visage et silhouette élancée.
D’abord nommé Presentation puis Performance, c’est à Harlem que le voguing se développe dans les communautés gays, à une époque où l’homosexualité est condamnée. Des bals sont organisés dans la clandestinité, donnant lieux à des battles de prétention feinte et de tonnes de rimmel. Les vogueurs travestis s’affrontent et sont jugés tant sur la danse que sur leur l’élégance de leur toilette. Inspirées des défilés de haute couture et confectionnées à la main par les vogueurs eux-mêmes, les tenues rivalisent d’extravagance et de paillettes.
Au-delà d’un simple carnaval de fourrures, c’est un acte politique engagé : face à une société raciste et homophobes, les adeptes décident de faire la fête et célébrer tout ce pourquoi ils sont rejetés : leur homosexualité, leur goût pour le travestissement, parfois leur couleur de peau. La communauté soudée est dès le début rassemblée en houses : Chanel, Christian, Corey, Dupree, Ebony, LaWong, LeBeija, Magnifique, Ninja, Pendavis, Princess, St. Laurent ou Xtravaganza sont les grandes maisons accueillant les membres recréant de véritables familles.
En 1989, Malcolm MacLaren, père des punks, se fait virer de son label avec son single Deep in Vogue pour s’être intéressé au mouvement. Nous sommes en pleine épidémie du sida. Moins d’un an plus tard pourtant, Madonna sort son tube Vogue, et reprend dans sa célèbre vidéo en noir et blanc les fondamentaux du voguing. Elle a découvert le mouvement grâce à ses danseurs et prouve une fois de plus qu’elle transforme en or tout ce qu’elle touche. Elle vend 6 millions de disques.
Tourné durant la fin des années 80 et sorti en 1990, le documentaire Paris is burning de Jennie Livingston en dresse un portrait réaliste et émouvant, considéré comme souvenir inestimable par le milieu. Il reçut de nombreuses récompenses.
Paulette Mag
Beaucoup de ces héros d’une nuit ont depuis changé de sexe et coupé tout contact avec cette vie là. Le voguing est presque tombé dans l’oubli avec la disparition de ses acteurs, dépassé par son pendant aux battles plus masculines, le breakdance. Pourtant c’est le magazine éponyme qui l’affirme : le voguing est toujours en vogue. L’année 2012 aura vu paraitre le recueil de photos de Chantal Regnault, et l’on parle déjà des soirées house of Moda comme de leurs héritiers poudrés et perruqués.
V. Montalbano