Guy Ritchie, 2008 (États-Unis, Royaume-Uni, Australie)
Sherlock Holmes n’a pas la grande forme. Guy Ritchie dépoussière sa redingote, renoue avec le personnage de Sir Arthur Conan Doyle et paraît l’enfoncer davantage : peu soigneux de sa personne, drogué lunatique, saoul d’expériences originales (le bocal de mouches), un violon entre les doigts pour l’aider à réfléchir… Quand il n’est pas absorbé par une énigme, il passe son temps à se battre et à parier sur ses propres combats, ne comptant que sur son extraordinaire force de déduction pour terrasser l’adversaire. Sherlock a les traits de Robert Downey Jr. et, loin de la distinction de Peter Cushing (Le chien des Baskerville de Fisher, 1959), le personnage est très plaisant à suivre. Sans déroger à ses habitudes, le détective conseil fait la paire avec le docteur John Watson incarné par Jude Law, moins rustre et plus pincé, tout aussi bon que son acolyte.
Sur les traces de l’obscur Lord Blackwood (Mark Strong), notre excursion nous amène à traverser Londres durant la dernière décennie du XIXe siècle (le premier plan est une entrée en caméra suggestive par les portes de la ville). Le moins qui puisse être dit, c’est que la capitale plongée dans des tons gris et bleus (ceux de l’affiche) n’est pas très lumineuse… Atmosphère nécessaire, presque gothique (on évite cependant les ruelles aux lampadaires embrumées), la déambulation nous plaît : les avenues animées par les fiacres et les marchands (nous regrettons le trajet manqué dans le premier métro de l’histoire), quelques arrêts au 221B Baker Street, une évocation de Fleet Street (un passage chez le barbier Sweeney Todd ? Burton, 2008), un tour sur les docks et les chantiers navals, l’incontournable palais de Westminster (intrépide fuite de Sherlock depuis les bureaux du ministre de l’intérieur), une superbe vue du Tower Bridge en pleine construction … Philippe Rousselot, directeur de la photographie sur Charlie et la chocolaterie (Burton, 2005), offre aux yeux des décors urbains spacieux et glacés qui, sans valoir ceux de Dante Ferretti (Entretien avec un vampire, Jordan, 1994), n’ont rien à envier à ceux de Peter Deming sur From hell (les frères Hughes, 2001).
Guy Ritchie (Snatch qui ne m’avait guère plu, 2000, ou avant Arnaques, crimes et botanique, 1998) prend le temps de respirer, calme sa mise en scène et, même si de multiples effets envahissent les scènes d’action (brusque accélération et ralentissement de l’image, rendus proches du « bullet time »…), ils les dynamisent et les servent enfin. Quant à la trame, faut-il regretter une enquête voisine de celles menées par Scoubidou (disons la série animée de 1976) ? Un peu d’ésotérisme qui ne se révèle être qu’une minutieuse supercherie… Non, cela n’a pas d’importance. L’action, la représentation fin de siècle et les acteurs portent l’ensemble suffisamment pour nous distraire.