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Réduire les dépenses publiques est-il si dangereux ?

Publié le 09 septembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Selon Alternatives Économiques, il serait dangereux de chercher à réduire le déficit public à 3% car cela entrainerait beaucoup de drames sociaux. Est-ce exact ?
Par Jeff Belmont.

Réduire les dépenses publiques est-il si dangereux ?Le magazine Alternatives Économiques, par la voix de son journaliste Guillaume Duval, s’est fendu cette semaine d’un article « Pourquoi la France n’a pas besoin de se serrer davantage la ceinture en 2013 » qui explique immédiatement que « 3 % de déficit budgétaire l’an prochain, c’est au moins 300 000 chômeurs supplémentaires. Il faut apprécier cet objectif en termes de déficit structurel et non de simple déficit constaté. »

Selon Guillaume Duval, il ne faudrait donc pas chercher à réduire le déficit public à 3% car cela entrainerait beaucoup de drames sociaux.

Dans la démonstration qui suit, on apprend qu’Alternatives Économiques base ses affirmations sur une étude du FMI. Ceux qui croient encore que le FMI est une institution « ultra-libérale » devraient revoir leur opinion à ce sujet. C’est une structure entièrement financée par l’argent public de ses pays membres et qui publie des études sur les finances publiques (n’y voyez là aucun conflit d’intérêt) qui alimentent les revues socialistes. L’étude en question fut publiée sous le mandat du socialiste français Dominique Strauss-Kahn… Économistes financés par l’argent public et journalistes au service du pouvoir se retrouvent ainsi réunis autour d’une cause commune : justifier à tout prix les politiques d’endettement et d’accroissement des dépenses des hommes politiques.

Car la méthodologie utilisée est pour le moins extrêmement douteuse. En se basant sur un certain nombre de rééquilibrages budgétaires qui ont eu lieu dans l’histoire récente, le FMI regarde les conséquences moyennes à court terme (les keynésiens ne s’embarrassent jamais du moyen ou long terme, il faut tenir jusqu’à la prochaine élection) d’un rééquilibrage budgétaire de 1% du PIB. Bien évidemment la démarche de faire de l’expérimentation sociale en analysant la variation d’un seul paramètre (le budget public), et en faisant l’hypothèse implicite que tous les autres paramètres de l’économie ne varient pas, est pour le moins osée. L’économiste autrichien Ludwig von Mises avait démontré la faiblesse d’une démarche ceteris paribus (« toutes choses égales par ailleurs ») en économie :

L’expérience de l’histoire économique est toujours expérience de phénomènes complexes. Elle ne peut jamais fournir un savoir du genre de celui que l’expérimentateur tire d’une expérimentation en laboratoire. La statistique est une méthode de présentation de faits historiques concernant les prix et autres données significatives sur l’agir humain. Ce n’est pas de l’économie, et cela ne peut produire de théorèmes ni de théories économiques. […] Personne n’a jamais été ni ne sera jamais à même d’observer un changement de l’une des données d’un marché ceteris paribus. Il n’existe rien qui puisse être appelé économie quantitative. (Ludwig von Mises, L’Action Humaine, Quatrième partie, chapitre XVI).

Mais passons.

L’article explique ainsi que, d’après l’étude du FMI, « il y a donc lieu de supposer qu’une restriction budgétaire de l’ordre de 1,5 point entre 2012 et 2013 amènerait, au bas mot, une perte de PIB de 1,2 point et une hausse du chômage de 1 point (300 000 personnes). »

On ne comprend pas vraiment comment le journaliste parvient à cette conclusion si précise. Si on regarde l’étude du FMI, on observe qu’un rééquilibrage budgétaire de 1% du PIB entrainerait une augmentation du chômage de 0,2% ±0,1 à trois ans et une baisse du PIB de 0,4% ±0,2. Mais le journaliste s’intéresse à un rééquilibrage de 1,5 point. En faisant l’hypothèse (non démontrée, soit dit en passant) qu’il y a là une relation linéaire, on devrait « s’attendre » à une hausse du chômage de 0,3% (et pas 1% comme le prétend le journaliste) et une perte de PIB de 0,6% (et pas 1,2 %).

Réduire les dépenses publiques est-il si dangereux ?

Deuxième erreur du journaliste : par « rééquilibrage » (« fiscal consolidation »), le FMI appelle soit une hausse des impôts, soit une baisse des dépenses (ou une composition des deux). Or le journaliste parle de « restriction budgétaire », il feint de croire que le FMI n’a étudié que des réductions de dépenses.

Or dans l’étude du FMI, les auteurs finissent par étudier séparément les deux (hausses d’impôts et baisses de dépenses) :

Réduire les dépenses publiques est-il si dangereux ?

On constate que les rééquilibrages budgétaires basés sur une réduction des dépenses entrainent en réalité, selon l’étude, une perte de PIB de moins de 0,2% ±0,3 (c’est-à-dire quasiment rien) et une augmentation du chômage de 0,1% ±0.1 (c’est-à-dire quasiment rien). On est loin d’une « perte de PIB de 1,2 point et une hausse du chômage de 1 point (300 000 personnes) » promises par le journaliste…

Le plus intéressant est qu’en passant on a des informations intéressantes sur les effets des augmentations d’impôts : une augmentation des impôts de 1% de PIB entrainerait une perte de PIB de 1,5% et une hausse du chômage de 0,6%. Il fallait lire Alternatives Économiques pour découvrir ça !

Enfin, le journaliste nous explique que « Prendre dans ce contexte des mesures d’austérité supplémentaires pour tenir, coûte que coûte, l’objectif de 3% du PIB de déficit public en 2013 freinerait davantage encore l’activité et pousserait le chômage vers les sommets. Avec au final, d’ailleurs, un déficit plus important que prévu comme le montrent les exemples de la Grèce, de l’Espagne ou de l’Italie malgré des efforts considérables. »

Par « efforts considérables », Guillaume Duval sous-entend que la Grèce, l’Espagne et l’Italie auraient réduit leurs dépenses publiques de façon massive depuis le début de la crise. Voyons voir quels « efforts considérables » ces trois pays ont fait en termes de dépense publique sur la période 2007-2012 :

Pays

Variation de la dépense publique depuis le début de la crise (2007-2012)

(en % PIB, données OCDE)

Grèce

+1,6 %

Espagne

+1,8 %

Italie

+2,2 %

Conclusion : il n’y a eu aucun « effort considérable » fait par ces trois pays qui dépensent aujourd’hui plus qu’en 2007.

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