C'est aussi une expression qui pourrait résumer l'adversité avec laquelle Pauline Marois a dû composer toute sa carrière professionnelle.
Jeune étudiante de Jacques Parizeau, elle est devenue son attachée de presse mais se sentant sous-utilisée est vite replacée pour devenir chef de cabinet de la ministre de la condition féminine. Nous sommes en 1979. Cette ministre c'est Lise Payette. Marois ne se sent pas particulièrement "militante féministe". Payette lui promet qu'elle le deviendra à ses côtés.
En 1981, candidate péquiste et enceinte de 7 mois, elle est élue facilement dans la circonscription de La Peltrie sur la rive-sud de Québec. 11 jours après son élection elle donne naissance à son deuxème enfant. Elle entre immédiatement au conseil des ministres, responsable de la condition féminine qu'elle connaît déjà bien. Elle sera aussi vice-présidente du conseil du trésor puis ministre de la main d'oeuvre et de la sécurité du revenu.
Commence l'adversité.
Elle est l'une des 12 signataires qui s'incrivent en faux auprès de René Lévesque refusant le beau risque prôné par le Premier Ministre en novembre 1984. Quand 7 de ces ministres claquent la porte à la fin du mois, elle n'est toutefois pas de ceux-là.
Quand René Lévesque, amer et fatigué se retire en 1985, Marois s'essaie une première fois comme successeure au chef. Elle termine deuxième avec 19,7% des suffrages. Elle n'abandonne en rien. Elle a 4 enfants mais n'a que 36 ans.
Deux mois plus tard, elle est battue aux élections dans sa circonscription de La Peltrie. Elle ne s'entend pas très bien avec le nouveau chef Pierre-Marc Johnson et choisit de quitter temporairement la politique.
C'est son ancien prof Jacques Parizeau qui la ramène en 1988 mais elle se fait battre à nouveau dans la circonscription d'Anjou.
Sous Parizeau, elle hérite de dossiers sociaux comme le ministère de la famille mais aussi des défis économiques comme le conseil du trésor, et au lendemain du référendum de 1995, le ministère des finances. Elle occupera aussi de 2001 à 2003 le poste de vice-première ministre.
C'est pas moins de 14 ministères qu'aura couvert Pauline Marois en 24 ans...
Elle a, entre autres, donné naissance aux centres de la petite enfance, piloté le dossier de la transformation du réseau des écoles confessionnelles catholiques et protestantes de langue anglaise et française — une disposition datant de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 —, en deux réseaux de commissions scolaires organisées sur une base linguistique et instauré la maternelle à temps plein.
Mais ce n'est pas assez semble-t-il, en 2001, quand la course à la chefferie pour remplacer Lucien Letraitre-Bouchard couronne Bernard Landry, elle arrive encore deuxième. Sous Landry, elle sera ministre des finances et vice-première ministre. Jusqu'à la déconfiture péquiste de 2003. Jusqu’à son intermède de femme politique à temps plein, elle occupait le poste de porte-parole de l’opposition officielle en matière de relations internationales suite au remaniement du cabinet fantôme du Parti québécois en 2004. Puis Landry prend une décision émotive et quitte la direction du PQ.
Marois saute sur l'occasion à pieds joints mais c'est le jeune André Boisclair qui est choisi par les membres du parti pour être le nouveau chef. Troisième prise contre Marois, elle choisit de se retirer pour réfléchir à son avenir. Elle a appris des coups vicieux du passé et les inflige maintenant elle-même. Elle est au coeur des fuites sur la consommation de drogue qui torpilleront la carrière d'André Boisclair. Quand ce dernier, mitraillé et par l'opposition et par son propre parti, démissionne, Marois resaute dans l'arène.
Elle reçoit de nombreux appuis dès le départ mais Gilles Duceppe passe à un cheveu de lui tirer la tapis de sous les pieds en se présentant lui aussi contre elle pour la direction du PQ. Marois veut mettre de côté le projet référendaire et veut modifier son approche d’un futur pays. Elle souhaite changer tout le programme du Parti québécois pour adapter celui-ci aux volontés des Québécois.
En juin 2007, elle devient officiellement chef du Parti québécois.
Quand Rosaire Bertrand, candidat péquiste de la circonscription de Charlevoix démissionne, Marois prend sa place. Elle y est élue au mois de septembre suivant. En décembre 2008, Pauline Marois devient la chef de l’opposition officielle du Québec, à la tête de l’opposition officielle la plus forte depuis la Révolution tranquille, avec 51 députés élus à l’Assemblée nationale. (well...ça lui sera rendu bien assez vite)
Sous son règne, pas assez assoiffée d'indépendance, Pierre Curzi, Louise Beaudoin, Lisette Lapointe, Benoit Charrette et Jean-Martin Aussant quittent le PQ.
François Legault fait la même chose mais beaucoup plus parce que se faire dicter les choses par une femme n'est pas dans ses gênes.
Daniel Ratthé est expulsé du caucus tentant de formenter un putsch contre Pauline Marois.
Des embuscades dans les planifications vous dites?
En avril 2011, elle obtient 93,08% d'appuis de la part de son parti et mardi dernier, elle marque l'histoire de la province en devenant la toute première femme à devenir Première Ministre au Québec.
Mais ça ne pouvait pas être facile.
Le soir de la (demie)victoire, Jean Charest, libéré de la pression je présume, livre un bien meilleur discours (de départ), quelque chose de très senti, que celui commencé par Marois (et abrégé par la force des choses)
Elle hérite de l'ingouvernable avec une minorité et la plus forte opposition (69 sièges contre 50(+2)) au Québec depuis des lustres.
Et pour être certain que rien ne sera facile, un illuminé se pointe avec ses carabines le soir de ce qui aurait dû être un moment grandiose pour le traduire en horreur ultime.
Il aura fallu mort d'homme pour faire naitre une femme au pouvoir.
Délire absolu.
Ce ne sera jamais facile pour Pauline. Encore moins dans les mois à venir.
Elle conduira les mains menottées.
Mais elle n'abandonnera pas.
Elle l'a maintes fois prouvé.