J'ai vu Chiche l'Afrique hier soir en avant-première et je ne vais pas perdre une minute pour vous annoncer que ce spectacle, qui est le premier de la "rentrée", est un grand coup de coeur. Vous avez jusqu'au 22 novembre pour aller le savourer au Théâtre de Belleville mais ce n'est pas une raison pour ne pas y courir dare-dare. Parce que Gustave Akakpo va vous consoler d'avoir quitté la route des vacances.
Il est l'auteur et l'interprète de Chiche l'Afrique, un titre qui résonne comme un défi. Et c'en est un. Ce n'était pas gagné de raconter cette mosaïque de pays depuis les Indépendances à un public qui n'est pas nécessairement féru de géopolitique. D'ailleurs le comédien nous a copieusement taquinés en nous redisant plusieurs fois qu'il est originaire du Togo, comme si on allait confondre avec le Congo.
Il a tenté de solliciter notre sagacité pour qu'on lui donne la signification de CFA ... vous savez les francs CFA qui servent autant à faire les courses qu'à entretenir l'amitié avec les militaires ...
Cherchez vous aussi quelques instants avant que je ne vous livre la solution. CFA comme Colonies Françaises d'Afrique, un terme révolu mais qui a été transformé officiellement en Communauté Financière d'Afrique et officieusement en Comment Faire Avec (c'est ce que Gustave nous dit avec malice). On n'allait pas réimprimer les billets ... (çà c'est moi qui le dis).
Il prévient tout d'entrée de jeu que toute ressemblance avec des personnes ayant existé serait perversité de notre esprit tout en nous mettant en garde que les africains ne s'expriment jamais au premier degré mais au 4ème, et encore, avec sous-titrage. Vous aurez compris que la férocité sera partie prenante du spectacle, mais avec tant de tendresse et d'humour que c'est un plaisir immense que de savourer les répliques et le jeu du comédien qui à défaut de crier (et il y aurait de quoi) écrit, joue, chante, danse, rape ...
On rit beaucoup mais on réfléchit aussi énormément quand il n'est pas question de corruption mais de tradition et que les leçons d'enfumage politique se succèdent à grande vitesse. Chacun en prend pour son grade, si je puis m'exprimer ainsi. La citation de François Mitterand estimant qu'un génocide en Afrique ne peut pas avoir une très grande importance est à mettre en parallèle avec l'action d'un grand homme à qui on doit l'abolition de la peine de mort.
Quand je vous dis que chacun reçoit sa volée de bois vert ... le président actuel n'est pas cité mais on entend qu'avec Flamby c'est pluie et brouillard sur toute la France et on comprend illico l'allusion. Il y a un côté guignol de l'info dans le spectacle.
Les promesses politiques n'engagent que ceux qui les écoutent, on devrait s'en douter. Gustave nous en fait la démonstration. Et il y a des formules qui résonnent curieusement comme l'immigration choisie ... mais par qui ?
L'uranium que nous employons en France est français mais les problèmes sont nigériens. Notre regard perplexe oblige Gustave à tout nous expliquer. Les ouvriers africains "travaillent plus pour ... crever plus". Nous n'avons pas conscience que lorsqu'on gâche de l'énergie (allez, allumons plein feu la salle pour rien ...) on ne fait pas que perdre de l'argent, on participe à l'augmentation du nombre de cancers en Afrique. Et ce n'est pas un effet papillon. L'uranium appartient à celui qui l'exploite, et donc à la société Areva, leader mondial français en matière d'énergie nucléaire. La démonstration est accablante et s'accompagne d'une dédicace spéciale à Arnaud de Montebourg.
Le spectacle se termine avec le diaporama de tous les visages des dirigeants qui ont été cités, et imités, un peu à la manière d'un générique. Si j'étais caricaturiste je les juxtaposerais en bande dessinée et les coifferais d'une chechia identique qui tressauterait au-dessus de leurs têtes à la manière du jeu de bonneteau. Impossible d'y gagner : il n'y a pas pire escroquerie.
Ils sont bien tous les mêmes prédateurs derrière leur sourire ultra brite. Enfin pas tout à fait. A partir de l'image de Nelson Mandela ce sont des figures positives qui nous sont montrées. Les noms défilent un peu trop vite hélas pour qu'on les retienne tous. Espérons qu'à eux tous ils relèveront le défi qui s'imprime en guise de conclusion : Chiche l'Afrique !
Je n'avais pas grand mérite à aller au Théâtre de Belleville parce que j'avais rencontré Gustave Akakpo à la présentation de saison du Théâtre des Sources le mardi 26 juin. J'étais certaine de passer une excellente soirée. Quant à vous si nous avez besoin de voir pour me croire, ne vous privez pas :
Chiche l'Afrique ! de et avec Gustave Akakpo, mise en scène de Thierry Blanc
coproduction Théâtre de Belleville- Le Tarmac
du mardi 4 septembre au dimanche 22 novembre, du mardi au samedi à 19 heures, le dimanche à 15 heures, 94 rue du Faubourg du Temple - 75011 Paris
relâches les 15,16 septembre, du 1er au 9 octobre et le 10 novembre
Réservations par téléphone : 01 48 06 72 34
(du mardi au vendredi de 14h30 à 19h00, le samedi et le dimanche de 13h30 à 18h30)
Ou par internet à : [email protected]
Et surtout, surtout, si le spectacle vous a plu, ce dont je ne doute pas, gardez votre ticket et revenez accompagné(e) vous êtes alors invité(e).
Chiche l'Afrique ! est programmé au théâtre de Fontenay-aux-Roses (92) le samedi 26 janvier 2013. il sera auparavant, le 5 octobre, à Limoges dans le cadre des Francophonies en Limousin.