Cet été à Milan, on a vécu une révolution profonde : équipe, staffs, pelouse… pratiquement tout a changé, mis à part l’entraineur et les dirigeants. Durant les nombreuses réunions entre Allegri, Galliani et Berlusconi, plusieurs décisions ont été prise. Une d’entre-elle est l’étude et l’application de changements tactiques (ou variantes si on préfère). D’une part car la rigidité tactique d’Allegri lui a été reprochée. D’autre part car avec une toute nouvelle équipe, il faut forcément adapter la tactique et le jeu en fonction des caractéristiques des nouveaux joueurs.
Sans un monopolisateur de jeu et de ballons comme Ibrahimovic, l’AC Milan a maintenant besoin d’une organisation plus précise et un jeu plus réfléchi. Fini d’envoyer des longs ballons à Ibra et attendre qu’il ramène les trois points. L’idée est de développer un jeu plus harmonieux basé sur la possession de balle, comme l’a toujours exigé Berlusconi. En outre, le président veut toujours voir un Milan avec trois attaquants. Secrètement (ou pas), il rêve de voir son Milan jouer comme Barcelone. Plus pragmatique, Allegri a plusieurs fois déclaré publiquement qu’il était impossible de reproduire le jeu catalan car chaque équipe a ses propres caractéristiques, ses forces et ses faiblesses. Néanmoins, il n’est pas contre un changement tactique, ou en tout cas des variantes car la défense et le milieu restent identiques : 4 défenseurs et 3 milieux. C’est en attaque que la fantaisie est permise entre le 4-3-1-2 classique, le 4-3-2-1 et le 4-3-3. Le 4-2-3-1 est différent et plus difficile à mettre en place. Dans tous les cas, comme les entraineurs aiment le dire, ce ne sont que des chiffres, le plus important est mentalité de l’équipe.
Mister Allegri aime que son équipe ne donne aucun point de repère à l’adversaire. Dès les premiers matches amicaux d’été, il a travaillé sur un 4-3-3 atypique pouvant facilement se transformer en 4-3-2-1. En réalité c’est très simple à comprendre et les différences sont minimes. Avec une attaque titulaire composée de Boateng, Robinho et Pazzini (par exemple), le Ghanéen et le Brésilien ont l’obligation d’aider l’équipe en phase défensive pour éviter de la déséquilibrer. Qu’ils soient proches l’un de l’autre pour combiner (4-3-2-1) ou larges sur les flancs (4-3-3) pour écarteler les défenses et permettre aux mezz’ali de s’insérer, le changement n’est pas radical et est adaptable en fonction de l’adversaire, des espaces et des Rossoneri alignés. Le rôle des deux attaquants de soutien est avant tout de trouver l’espace pour recevoir le ballon, faire la différence individuellement et / ou servir l’attaquant de pointe. Peu importe qu’ils soient au centre du terrain ou sur le flancs. Il se peut même parfois qu’un des deux attaquants de soutien soit sur le flanc et l’autre au centre, reformant ainsi un genre de 4-3-1-2. Il arrive également que les attaquants de soutien permutent, celui de gauche passe à droite et vice versa. C’est pour cela qu’Allegri les laisse souvent très libres. Et avec Pato, cela devient encore plus imprévisible car comme lors des premiers matches amicaux, avec un trio « léger », ce ne sont plus les deux attaquants de soutien qui permutent mais les trois attaquants qui s’alternent à gauche, au centre et à droite. C’est la raison pour laquelle Allegri a fortement voulu engager Bojan, qui est idéalement un attaquant externe de 4-3-3 mais peut également jouer comme seconde pointe et s’adapter avec tous les autres attaquants.
C’est la mentalité et la manière de jouer qui compte. Les chiffres ne veulent rien dire. Le plus bel exemple est celui de l’Inter de Mourinho, qui était théoriquement un 4-3-3 mais il n’était pas rare de voir Eto’o défendre comme un défenseur latéral et plus généralement une équipe très prudente et défensive, proche d’un catenaccio. Si on le compare au 4-3-3 de Barcelone, c’est complètement différent et pourtant « la tactique », « les chiffres » que tout le monde réclame sont les mêmes. C’est la même chose pour Milan : lors des premiers rendez-vous estivaux, l’équipe a montré une autre attitude : plus attentive, plus solide et prête à repartir rapidement vers l’avant. Cela était sans doute lié aux (peu de) joueurs à disposition car avec l’équipe au complet, Milan a retrouvé sa mentalité habituelle basée sur la possession de balle. L’équipe d’Allegri adaptera probablement sa manière de jouer en fonction de l’attaquant de pointe : On peut facilement imaginer Milan jouer différemment quand il y a Pazzini ou bien Pato en pointe. Une attaque légère, rapide et imprévisible permet des contre-attaques rapides (comme lors des matches amicaux) avec deux joueurs en soutien prêts à lancer le Brésilien dans le dos des défenses (4-3-2-1?), contrairement à une attaque composée d’un attaquant de poids comme Pazzini qui demande une manoeuvre plus élaborée et idéalement une équipe plus large (4-3-3?) capable de fournir des centres et profiter de l’excellent jeu de tête de l’Italien. L’important est d’avoir des attaquants de soutien tels que Boateng, Robinho, Emanuelson, El Shaarawy et Bojan : polyvalents et interchangeables. C’est cela qui permet d’imaginer de nombreuses solutions. L’idéal est de pouvoir varier durant la saison. Tassotti a d’ailleurs confirmé cela : « Je crois qu’on devrait trouver des alternatives au 4-3-1-2 mais souvent, des nuances suffisent. Parfois on peut laisser les joueurs dans leur rôle et les nuances font la différence. L’important est d’avoir plusieurs solutions, avec autant de joueurs on peut le faire. » C’est ce que je viens d’écrire, non?
Le 4-2-3-1 mérite un chapitre à part. Ce n’est pas une nuance mais une tactique assez différente. Concrètement c’est une tactique assez difficile à mettre en place car l’équilibre est précaire, notamment du à la présence de non pas trois mais quatre éléments offensifs. De plus, contrairement au 4-3-1-2, 4-3-1-2 et 4-3-3 qui sont des variantes avec des joueurs qui ont un rôle bien défini, le 4-2-3-1 modifie la structure du milieu de terrain et le rôle des joueurs. Les « 2 » devant la défense ont un rôle purement défensif et l’effectif de Milan est construit pour en avoir un seul titulaire. Les « 3 » éléments offensifs doivent énormément courir et effectuer parfaitement les deux phases. Et puis le 4-2-3-1 ne prévoit pas de mezz’ali alors que Milan a engagé des milieux avec un certain profil, des milieux « verticaux » qui s’insèrent en attaque. Que deviennent Nocerino, Flamini, Constant et Montolivo, eux qui sont habitués et expriment mieux leur potentiel au rôle de mezz’ala? Les trois premiers devant la défense avec un rôle purement défensif? Montolivo milieu offensif? Avec des adaptations et beaucoup de travail il serait peut-être possible d’utiliser cette tactique sur le long terme, mais pas dans l’optique de l’alterner avec une des trois autres tactiques car cela génère trop de changements de rôles au sein de l’effectif. Il faut également être conscient que cette tactique ressemble habituellement à un 4-5-1 en phase défensive et que les trois éléments offensifs derrière l’attaquant ne sont généralement pas réellement des attaquants mais des joueurs moins offensifs (et souvent des ailiers purs, des joueurs pouvant être alignés dans un 4-4-2). Exemple : Emanuelson peut convenir à un 4-2-3-1, contrairement à Bojan, El Shaarawy et Robinho qui sont plus « attaquants » que « milieux » et risqueraient de rendre l’équipe très vulnérable en phase de non possession de balle. La tactique deviendrait possible avec par exemple De Jong et Ambrosini devant la défense, Boateng l’offensif au centre et deux attaquants de soutien externes. L’efficacité de cette tactique dépendrait beaucoup de l’attitude et du travail défensif du Ghanéen pour donner un certain équilibre. Le même schéma est possible avec Montolivo (qui n’est cependant pas un milieu offensif) mais ce 4-2-3-1 ne serait qu’une variante du 4-3-3 avec Montolivo (ou Boateng) au centre, protégé par deux milieux purement défensifs juste derrière lui.
C’est maintenant que la saison de Milan commence. Allegri dispose de l’effectif complet et définitif. Cependant, cet effectif est clairement affaibli par rapport à celui des années précédentes, notamment privé de top players qui permettent de faire la différence individuellement. Malgré cela, les dirigeants veulent un Milan compétitif et mettent beaucoup (trop) de pression sur l’entraineur. C’est pour cela que c’est la saison de vérité pour Allegri (et il le sait), qui doit maintenant prouver savoir faire la différence, apporter sa touche personnelle à cette équipe, lui donner une identité, trouver la tactique idéale et développer un jeu efficace en fonction des caractéristiques des joueurs à disposition. Et il y a du boulot. L’aspect tactique est très important mais peu importe la tactique et les joueurs alignés, l’AC Milan doit surtout avoir une identité et une attitude constante : intensité et détermination. Allegri aura besoin de temps. En 2010, il a fallu attendre le mois de novembre pour voir un nouveau Milan, celui d’Allegri, avec un milieu de terrain révolutionné et un équilibre presque parfait avec Boateng et Robinho titulaires. C’est à ce moment là que les Rossoneri avaient enchainé les victoires les menant au Scudetto. Deux ans plus tard, l’histoire se répète, Allegri fait de nouveau face à une nouvelle équipe, un nouveau défi à relever. Ce Milan 2012 -2013 est un grand pari (individuellement et collectivement), tout est à construire. L’AC Milan est passé du statut de favori à celui d’outsider, celui d’une équipe que personne n’attend au sommet. Les Rossoneri devront se battre pour se créer une place intéressante dans ce championnat. Où arriveront-ils?
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