Nous aimons Millet, le peintre de l'école de Barbizon précurseur de l'impressionnisme, pas l'écrivain. Comme le fait remarquer Pierre Jourde, un de nos auteurs préférés, Millet est tellement fasciné par Breivik qu'il ne consacre pas une seule ligne à ses victimes.
Millet compte parmi ces gens de plume, écrivains et journalistes, qui n'ayant ni inspiration, ni talent espèrent se faire une place au soleil parmi les plumitifs à la mode et à succès en choquant leur monde.
Ces écrivaillons sont tellement déconnectés du monde réel qu'ils croient naïvement s'opposer à la pensée dominante et transgresser la bien-pensance. Or, aujourd'hui, c'est le racisme et le nationalisme qui dominent et prospèrent en France et en Europe, comme jamais depuis les années 30-40, à mesure que le libéralisme - néo ou social - plonge les peuples dans la régression sociale et la misère.
Ces gens-là justifient la xénophobie avec moult circonvolutions et affabulations, en construisant une sorte de mythologie de la civilisation occidentale judéo-chrétienne, forcément indépassable, qui serait menacée de toute part, notamment par le multiculturalisme.
Ils conçoivent la civilisation comme une chose figée et immuable, et tout apport extérieur est assimilé à un danger mortifère ! Que n'auraient-ils pas théorisé si l'enseignante très croyante d'un établissement catholique privé, reconnue coupable lundi dernier d’atteinte sexuelle sur un mineur de 12 ans, avait été une citoyenne d'origine immigrée de confession musulmane ?
La polémique Millet figure au nombre de ces épiphénomènes médiatiques qui permettent de mesurer combien les idées du GRECE d'A. de Benoist, ont inspiré toute l'extrême droite et la droite, et ne cessent de contaminer le corps social jusqu'à atteindre les élites intellectuelles. Le processus avait commencé dans les années 80 avec les tentatives de réhabilitation de Drieu La Rochelle et de Brasillach, sinistres collaborateurs antisémites.
C'est à travers la grille de lecture du GRECE qu'une partie de l'intelligentsia décrypte l'actualité, et par porosité les médias dominants. Il en ressort une analyse politique qui conforte le système capitaliste et l'idéologie dominante, le libéralisme à la sauce néo-conservatrice ou social-démocrate, et qui protège l'oligarchie et ses privilèges.
Dès lors, on comprend mieux le traitement de faveur du FN aux dernières élections, même de la part de médias classés au centre gauche. En conséquence, la question sociale est évacuée, censurée, voire niée par les médias parce qu'elle porte en elle la contestation du système capitaliste et du libéralisme. Et qu'à mesure où l'exaspération populaire croît, les dévoués serviteurs du système la détournent avec des fables sur la civilisation et la culture en définissant des bouc-émissaires facilement identifiables.
Nous conclurons avec un roman d'Eugène Sue, les Mystères du peuple, qui imagine une autre mythologie, à cent lieues de celle que partagent les Le Pen, Sarkozy, Millet, Zemmour, Finkielkraut et consorts.
L'auteur propose une vision originale de l'Histoire et de notre civilisation en plaçant au cœur de son récit la question sociale. Il narre la destinée d'une famille de prolétaires de la Gaule jusqu'au milieu du XIXème siècle dont chaque génération a laissé un témoignage aux suivantes.
Les Romains, les Francs, l'Eglise et la noblesse sont considérés comme des envahisseurs et des voleurs qui ont réduit le peuple à l'esclavage. Il s'en suit un récit étonnant à travers les âges conté sous le prisme de la lutte pour la liberté et les droits du peuple...
Quitte à choisir une mythologie, nous préférons de loin celle d'Eugène Sue qui privilégie le peuple aux tyrans.
« Il n’est pas une réforme religieuse, politique ou sociale, que nos pères n’aient été forcés de conquérir de siècle en siècle, au prix de leur sang, par l’insurrection.»
Notes
[1] la dernière photo est de Patricia Tutoy