Rien ne me laissait prévoir que ce recueil de huit nouvelles québécoises avec les mots et expressions du pays me séduirait autant mais j’ai cédé à la séduction des souvenirs d’enfance de l’auteur évoquant les années cinquante à Montréal, dans la grande maison familiale où vivaient ensemble trois générations. Ce n’était pas rare du tout dans ces années-là et tout le monde y trouvait son compte entre disputes et réconciliations, fêtes rituelles aux copieux repas de famille et petites misères. On ne roulait pas sur l’or et les récits s’en ressentent mais on avait sa fierté et les mensonges faisaient partie de la vie commune, pour le bien de tous et surtout pour le plus grand bonheur des enfants qui croient dur comme fer au Père Noël. C’est Nana, la mère adorée, belle et rieuse qui est au centre des souvenirs avec en contrepoint la grand-mère, non moins chaleureuse mais un peu bougon car il lui faut s’affirmer et puis le père, plus souvent absent, mais qui est là quand il faut et sait apaiser l’enfant quand l’orage tonne, en ouvrant la porte et en lui montrant la beauté des éclairs. Chacun son rôle, Chacun à sa place. Chaque récit est un bonbon au goût apaisant qui ne se perd jamais plus. C’est le cadeau de noces qu’on ne peut faire faute de moyens, mais il reste le plat à pinottes, reçu soi-même en cadeau de noces, vingt ans plus tôt … C’était compter sans la naïveté du petit Michel chargé de remettre le cadeau à la mariée et qui se sentit mal à peine sa gaffe faite… Sa mère eut le dernier mot pour le consoler:
Y vont rire de nous autres chaque fois qu’ils vont s’en servir…. Tu le savais pas, Michel, mais tu viens de partir une légende qu’y vont se conter pendant des générations… Elle se moucha, se tamponna un peu les yeux et régla le cas de Lise Allard d’une seule phrase lapidaire: "De toute façon, si ‘est assez snob pour appeler des pinottes des cacahuètes, elle méritait pas mieux!"Tous les souvenirs sont ainsi: drôles et attendrissants. Je m'y suis retrouvée, même dans cette forme de langage un peu difficile au début mais avant tout savoureux par la suite. J'y ai ressenti des airs du parler gallo de ma grand-mère briochine, avec ses allitérations et son bon sens pratique. C'est une lecture très réconfortante qui m'a fait du bien.Bonbons assortis, Michel Tremblay, (Liméac/Actes Sud, 2002, 180 pages)
Michel Tremblay est né en 1942 à Montréal au Canada. C’est un dramaturge et romancier québécois. Il est aussi conteur, traducteur, adaptateur, scénariste de films et de pièces de théâtre, parolier pour Pauline Julien, Renée Claude, Monique Leyrac.
Avec ce billet je participe au challenge Québec en septembre de Karine:)