L'association FERUS désire améliorer l'information de la Minsitre de l'écologie dans le dossier de l'ours
Madame la Ministre
Suite à notre rendez-vous au sein de votre ministère le 1er août dernier, nous souhaitons porter à votre connaissance les éléments suivants au niveau de l’ours dans les Pyrénées.
Nous avons en effet relevé que votre cabinet est inquiet par la perception des élus locaux de l’origine slovène des ours lâchés dans les Pyrénées. Ce point a déjà été traité il y a plusieurs années, notamment par différents services de l’Etat.
Nous ne reviendrons pas sur tous ces rapports qui démontrent que le choix de la Slovénie comme pays source des ours réintroduits fut une réussite, tant au niveau scientifique que pour la bonne adaptation des ours lâchés et de leurs descendants.
Il est important de savoir que, malgré les mensonges que propagent les anti-ours, les ours d’origine slovène sont très proches génétiquement et éthologiquement des ours d’origine pyrénéenne comme les études de terrain l’ont montré dans les Pyrénées. Il s’agit tout simplement de la même espèce. Par ailleurs, le biotope est similaire dans les deux régions et le relief est accusé en Slovénie contrairement à certaines allégations. Le régime alimentaire est par ailleurs similaire entre les ours d’origines pyrénéenne et slovène (Quenette 2000). Concernant le nourrissage, il y a lieu de rappeler que les ours ne sont pas nourris en Slovénie. Il existe seulement des points d’appâtage destinés à attirer les ours près des miradors de chasse (l’ours est chassé en Slovénie). Depuis plusieurs années, les appâts ne sont plus composés de viande, mais de maïs.
Enfin, en ce qui concerne les dégâts causés au pastoralisme, tous les éléments montrent que leur nombre est davantage lié aux modes de gardiennage qu’à l’origine des ours.
Ainsi, au printemps 2000, un ours d’origine slovène (Néré) commet de nombreux dégâts dans une zone de Bigorre (65) où les troupeaux ne sont pas protégés. Au printemps 2001, il intègre le noyau occidental, en Haut Béarn (64) où les troupeaux sont encore protégés. Il commet aussi peu de dégâts que les ours autochtones et depuis 2001 d’ailleurs, le nombre de dégâts ne cesse de baisser en Béarn.
Au contraire, suite à l’arrivée de Néré, un mâle autochtone béarnais jusqu’alors très discret (Papillon) se décantonne et fréquente les vallées de Bigorre. Les attaques augmentent alors au point que les éleveurs pensaient qu’il s’agissait d’un nouveau « fauve slovène ». Lors de sa capture le 22 avril 2004, on se rendit bien compte qu’il s’agissait du béarnais Papillon.
Il semble également important que vous ayez en complément connaissance des retours terrains sur cette origine slovène des ours lâchés.
Nous avons tous été leurrés par les propos des opposants à l’ours largement relayés médiatiquement. En effet, les derniers lâchers ont suscité des mouvements d’opposition relativement importants et ravivé la polémique sur la présence de l’ours dans le massif. L’opposition à l’ours bien que largement minoritaire a bénéficié de l’appui des élus locaux pour des raisons essentiellement électoralistes et d’un excellent relais médiatique. A se demander à un moment donné si toutes les Pyrénées n’étaient pas devenues anti-ours … Ferus a donc lancé Parole d’ours en 2008, avec le soutien financier de la DREAL Midi-Pyrénées et la Fondation Nature et Découvertes, un programme estival de bénévolat en faveur de l’ours dans les Pyrénées pour notamment délivrer à la population locale et aux gens de passage une information approfondie sur le plantigrade mais aussi recueillir le sentiment des personnes présentes même temporairement dans les zones à ours pyrénéennes.
Après plusieurs mois de présence quotidienne sur le terrain en 2008 de l’Ariège aux Pyrénées-Atlantiques, les bénévoles de Parole d’ours ont constaté que les habitants et les gens de passage sont demandeurs d’informations objectives sur l’ours. Ferus s’est réjoui du bon accueil reçu localement et chaque été, ce programme d’information et de communication est reconduit.
De Parole d’ours 2008 à Parole d’ours 2012, une dynamique locale en faveur de l’ours dans les Pyrénées se crée.
Un enseignement assez inattendu de notre travail de proximité est que les groupes radicaux n’ont pas de base populaire solide. Si les groupes radicaux de l’ADDIP (Association pour le Développement Durable et l’Identité des Pyrénées)/ASPAP font beaucoup parler d’eux et sont soutenus par de hautes autorités politiques départementales et les syndicats agricoles pour des raisons électoralistes, ils n’ont pas de base populaire dans la société pyrénéenne. Ils ne regroupent que certains éleveurs et leurs proches. La violence de ces groupes déplaît fortement à une très grande majorité des personnes rencontrées.
Une partie de l’action Parole d’ours consiste à échanger avec la population. Ces échanges étaient facilités en 2008 et 2009 par un questionnaire destiné à recueillir le sentiment des habitants et des gens de passage.
Ce questionnaire vise à apporter des éléments de réponses par rapport à la problématique suivante : « Quelle cohabitation possible entre l’ours pyrénéen et les habitants (locaux et/ou migrants) ? ». A partir de l’énonciation de cette problématique, plusieurs questions se dégagent :
- « Comment les personnes interrogées expriment les tensions vis à vis de l’ours ? » « Quelle perception les personnes interrogées ont de la présence de l’ours ? », « Quelle influence le réseau social et les médias peuvent-ils jouer dans la relation à l’ours ? »
Le questionnaire a été soumis en 2009 à 2265 personnes, habitants des départements de l’Ariège, de l’Aude, de Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Pyrénées-Orientales et, de manière moins importante, des touristes.
Afin d’évaluer le programme Parole d’ours et mieux comprendre la perception de l’ours par la population, Ferus a confié l’analyse des questionnaires recueillis lors de l’édition 2009 à Stéphanie Michenaud, étudiante en master psychologie orientation sociale. Cette étude a permis à Ferus de mieux cerner les espoirs, les connaissances mais aussi les craintes et les préjugés de la population vis à vis de l’ours (notamment sur l’origine slovène des ours réintroduits, les risques pour l’homme et la prédation sur les troupeaux). L’association peut ainsi orienter plus efficacement son travail d’information et sensibilisation afin de faire tomber les fausses idées ancrées dans les mentalités. Comme nous le confirme Pastoureau (2007) : « Travailler sur l’ours, c’est mieux comprendre l’Homme. L’ours au fond, c’est l’autre ; il y a à la fois attrait et rejet. »
En 2009, 75,8% des personnes questionnées ont déclaré être favorables à la présence de l’ours dans les Pyrénées.
Toutefois, on peut relever dans cette analyse que la perception de l’ours en tant que prédateur est prégnante dans les réponses comme représentant une menace pour les activités humaines et par extension pour l’homme. On mesure bien l’impact des médias locaux sur cette perception des habitants puisqu’en définitive les dégâts causés aux troupeaux par l’ours sont proches de 200 brebis par an alors que la profession agricole reconnaît 18.000 à 30.000 pertes par été pour bien d’autres raisons que l’ours sur les 600.000 brebis présentes en estives. Mais la presse locale fait un article sur chaque brebis tuée ou supposée être tuée par l’ours …
Parmi les personnes qui se disent défavorables à la présence de l’ours, la dimension « étranger » (donc origine slovène) est évoquée deux fois moins souvent que « prédateur ». Nous la prenons cependant en considération même si moins prégnante que « prédateur ». Parole d’ours continue donc chaque été d’apporter des précisions sur le comportement de l’ours, et en particulier de faire tomber les préjugés liés à l’origine slovène des ours.
En 2010 et 2011, Ferus a fait le choix d’orienter le début des échanges Parole d’ours sur les Pyrénées, la Slovénie et l’ours. Vous trouverez ci-joints les dossiers de presse Parole d’ours 2009, 2010 et 2011 à ce sujet. L’origine « slovène » n’est au final pas un problème mais un outil de communication de l’opposition à l’ours.
Cette opposition, largement minoritaire, est en mal d’arguments et justifie son rejet de la réintroduction par une focalisation sur l’origine slovène des ours et leur soi-disant non adaptation aux Pyrénées. Une grande partie de cette opposition (notamment des élus) se dit en faveur d’un ours né dans les Pyrénées et non d’un ours slovène déplacé dans les Pyrénées.
Extrait de l’analyse psycho-sociale de Stéphanie Michenaud
« L’ours est considéré comme faisant partie de l’identité de la région, membre du groupe pyrénéen. Ainsi, il est possible de poser l’hypothèse d’un favoritisme endogroupe, qui correspond à la tendance à favoriser les individus de leur propre groupe d’appartenance – endogroupe – qui entraîne la dévalorisation de l’exogroupe, ici les ours slovènes. Ainsi, les ours slovènes sont présentés exclusivement sous un angle négatif : « carnassiers », « prédateurs » et « nuisibles », la différence est régulièrement marquée par les ours « natifs » des Pyrénées, cette description de l’ours slovène envoie à la notion de préjugé, voire de stéréotype négatif.
La discrimintation se caractérise par une mise à distance des membres de l’exogroupe (ours slovènes) (Aebisher et Oberlé, 2007). L’emploi du terme discrimination reste à être utilisé avec précaution dans la mesure où il est destiné à un usage réservé aux groupes humains. Le glissement effectué dans ce cadre vise à renvoyer vers une tendance spécifiquement humaine de discrimination qui pourrait éventuellement être appliquée à des animaux sauvages considérés comme parties intégrantes de l’identité pyrénéenne et du patrimoine des personnes interrogées. Nous l’envisageons comme hypothèse. »
Nous appelons vos services, Madame la Ministre, à ne pas tomber dans ce piège de la discrimination et des préjugés, ce qui nous semblerait être en totale contradiction avec les fondamentaux du Président de la République et de son gouvernement.
Ceux qui travaillent sur l’ours depuis des années savent déjà que la réalité converge largement vers une grande proximité éthologique entre les ours de souche slovène et les ours de souche pyrénéenne. Comme nous vous l’avons déjà écrit, le changement, c’est aussi « vivre avec l’ours » : le ministère de l’Écologie doit bien distinguer les élus raisonnables et les chasseurs, des anti-ours patentés comme Monsieur Lassalle ou le président de la Fédération de chasse de l’Ariège. Persuader tout le monde que la seule solution est d’accepter la présence de l’ours passe par des rencontres fréquentes, des dialogues, des prises de parole constructives de la part des gens de l’administration sur ce qu’on peut faire pour bien vivre avec l’ours sans jamais entrer dans des débats pour ou contre.
Nous attendons avec impatience les décisions annoncées pendant la première conférence gouvernementale pour l’environnement et la biodiversité.
Nous vous prions de croire, Madame la Ministre, à nos respects les plus profonds.
Po / le conseil d’administration – le président – Jean François Darmstaedter