Dans la route, de Maryline Desbiolles

Un accident de scooter hante les livres de Maryline Desbiolles depuis un peu plus de deux ans (La Scène, Je vais faire un tour). On le retrouve ici, avec d’autres morts sur (et dans) la route, « comme un souffle chaud, consolant, au cœur de l’obscurité ».

« Au début on était au bord. » C’est la première phrase, et elle reviendra. La route est en chantier. Un autre chantier me revient à l’esprit, celui que décrit Régine Detambel dans Son corps extrême. Mais pas de féerie ici. La poussière blanche, l’homme assis devant sa maison, l’enrobé qui va recouvrir la chaussée « écorchée puis violemment lavée », les maisons du village, où je retrouve Anchise (c’est le titre du premier livre que j’ai lu de Maryline Desbiolles), où je fais la connaissance de Gaby (qui, pourtant, n’aura jamais dormi dans sa maison), et de tous les morts que la route a engloutis : voleurs exécutés après la Révolution, jeune résistant, accidentés (roulant « à tombeau ouvert »), ouvriers de la route, et même les animaux. Car, dans le chantier de la route, c’est toute l’histoire de la région qui revient autour de la Fontaine du Jarrier, une histoire de sel et de feu, d’amour et de mémoire perdue retrouvée. Comme dans C’est pourtant pas la guerre, Maryline Desbiolles veut faire entendre la voix de ceux qu’on n’écoute pas, et leur voix chante, « pi pom pi pom », et « jamais je ne t’oublierai ».

Et c’est un livre que publie Maryline Desbiolles, « toujours de mèche avec Gilles Toublanc », comme elle le précise tout à la fin. Gilles Toublanc est préparateur de copie au Seuil, qui édite l’ouvrage. Le nommer ainsi à la fin d’un livre qui nomme riverains d’une route en chantier, ouvriers  (sauf peut-être les intérimaires qui n’ont travaillé là qu’un jour ou deux), personnages historiques, bandits de grand chemin, héros des guerres, etc. c’est faire preuve d’une grande loyauté.