La mode attendait cette chaleur, ce soudain regain d’été comme une seconde date dans le même calendrier. Un regard autour de moi, coincé avec mon portable, mon clavier dans un train, dans le métro, pour aller au boulot. Elles sont nombreuses à recevoir ce cadeau chaud de la météo, elles sourient, elles s’habituent car le changement est si rapide, les corps peinent à s’habituer. Dès le matin, la sueur pointe sur les fronts, inonde les tempes, coule doucement sur les visages. Un petit mouchoir sort du sac de cette belle quadra, en robe mauve, forme boule, d’un coton léger. Elle cherche aussi son itruc pour la musique, sa grille de sudoku, un petit crayon.
A côté d’elle une amie, une autre quadra suivant les tendances mode, avec sa jupe bleue marine, son tee-shirt marinière, un brin Jean-Paul Gaultier, elle dort déjà, à peine assise sur cette banquette, comme chaque matin. Un duo de jeunes filles papotent, rigolent même de leurs dernière soirée ensemble. L’une en robe noire, un collant chair hyper brillant pour valoriser son bronzage caramel, des ballerines roses, un point preppy en coordonné avec son sac en imitation python, rose lui aussi. Son amie est plus classique, un jean, un polo blanc, très moulant sur une poitrine jeune et voluptueuse. Elle sert son sac, sa sacoche d’ordinateur.
Leurs premiers jobs, un stage, elles discutent des premières injustices, des difficultés à s’insérer malgré leurs diplômes, leurs mastères dans un monde d’hommes omniprésent, pesant de phrases habituelles, de routines ancestrales. Féminisme justifiée, naissant, et en début de révolte, en pensant à leurs mères qui ont subi cela durant toute une vie.
Une autre belle dort sur l’épaule de son amoureux, de son amant peut-être. Elle a posé son sac en cuir de coupe moderne, droite sur ses cuisses enveloppées d’un collant opaque noir, une jupe si courte, se cache derrière, un joli trapèze aperçu en entrant. Un petit pull violet complète sa tenue, elle somnole, ses cheveux blonds profitent pour voyager aussi sur son nez, frottant, flottant au gré des à-coups des rails du train.
Mon regard passe vers le rang devant moi, simplement aperçu, des jambes en pantalon de coton blond, un simple teeshirt avec un col en V noir. Elle respire, le temps sera chaud, le printemps sera là, ce matin et encore plus cet après-midi. Un collier, une perle blanche sur un fil d’or resplendit au-dessus de sa gorge, de ce creux si féminin, encore un peu blanc, par manque de soleil. Une ombre que je retrouve à côté avec un collier de petits macarons, probablement en fimo, une merveille de gourmandise pour un épicurien des courbes, des desserts et des gâteaux.
Cette autre femme, plus âgée lit son Cosmo, elle semble sourire des pages intérieures, entre la rubrique sexo enflammée par l’imagination d’une pigiste, et les pages des romans d’été, poussés par le marketing, écrits sur mesure pour être lu sur la plage, entre cocktails et petits sommes. L’été déjà, si loin, et aujourd’hui plus proche avec ce soleil. Elle savoure le rayon dans son dos, sur cette bretelle de dentelle rose qui dépasse de son chemisier. Des manches courtes, un col ouvert, une liberté de saison, enfin, une envie d’être plus à nu, plus libre de son corps dans son choix de mode. Robes légères qui attendent depuis des semaines, elle pourra dès demain sortir ce modèle en liberty blanc et vert, si frais, si tendance, son coup de cœur, jamais porté.
Elle sera féminine, elle sera en phase avec cette lumière nouvelle elle aussi sur le paysage. Le train-train prend des couleurs, les arbres sont plus verts, la nature et la brume matinale a de nouveau un sens.
Une autre justement vient de prendre un rayon dans l’œil, elle cherche, elle bouscule sa voisine, une amie. Son sac à main, une besace pour l’école buissonnière, pour un pique-nique parisien, ou simplement un espace d’entrée dans une autre dimension, celui du rangement au féminin. Mille choses, mouchoirs, écharpe héritée des froids des semaines précédentes, un porte-monnaie, deux téléphones, des bonbons mais aussi un blush, pardon trois blush, cinq crayons d’eye-liner, deux tubes de rouge à lèvres, des sourires, et une carte de transport. Rien, pas de lunettes, une autre exploration, devrait-elle y mettre les deux mains ou appeler un spéléologue pour trouver sa protection solaire, ses deux brosses à cheveux, des chewing-gums, et d’autres objets improbables ou très intimes, elle fouille encore. Rien, pas de lunettes.
Sa copine rit, elle vient de se protéger les yeux, de ce retour de soleil si fort. La première tire son gilet pour faire barrière, j’aperçois une robe de soie, imprimé de motifs marins. Si jolie ! La seconde découvre et commente. Elles comparent leur choix, cette robe contre cette tunique pull en coton fin. Deux choix, l’une attendait la transition, c’est une habituée aux incertitudes du temps, l’autre à jouer le banco sur la chaleur de l’après-midi. Elles parlent de cette envie de talons fins, de soirées en terrasse, de petits restaurants, de vin rosé ou plutôt de champagne.
Le soleil est là, demain sera l’été encore avant l’automne tout proche, et enfin nos cœurs respireront ces parfums, cette douce insouciance si subtile. Flâner durant la pause du midi, déguster quelques minutes de bronzette dans un parc. Maintenant.
Nylonement