Frédéric Lalos – Pain, amour et… travail

Par Gourmets&co

Frédéric Lalos, Pain, amour et… travail par Patrick Faus

Il a toujours voulu être boulanger. Pas obsessionnel mais décidé. Une sorte de fatum qui l’a saisi dès son plus jeune âge alors qu’il n’avait jamais mis les pieds dans un fournil, et que ses parents avaient des métiers fort éloignés (père chauffeur routier et mère assistante médicale). Il ne se gavait pas toute la journée de viennoiseries et ne dévorait pas non plus trois baguettes par jour. Ses parents, légèrement étonnés sinon inquiets, ont tenu bon jusqu’à sa terminale, puis devant tant d’insistance ont commencé à croire que c’était du sérieux. Ils ont eu raison et le jeune Lalos part ventre à terre faire son CAP boulangerie. Premier choc avec le réel. Il se retrouve au milieu de fils de boulangers et seul, sans aucune expérience du métier ni même de l’ambiance d’une boulangerie. Deux solutions : décrocher ou se mettre au boulot pour rattraper et gommer ce handicap naturel. Comme on le connaît maintenant, il choisit la deuxième option et se plonge avec passion dans la pratique, même si les cours théoriques l’intéressent moins. Et il rattrape, il dépasse même puisqu’il termine premier de sa promotion et finaliste au concours du Meilleur Apprenti de France. Récompense du travail : son école a un deal avec la maison Lenôtre pour que les trois premiers de l’année viennent en stage dans la prestigieuse maison. Le voilà à Paris chez Lenôtre. Un rêve mais là encore deuxième confrontation avec le réel. Il dit au revoir à ses parents, pensant revenir après son stage. Il n’est jamais revenu.
Chez Lenôtre, le travail est dur. Il fallait s’y attendre, mais le toujours jeune Lalos aime ça. Au milieu de grands professionnels, il regarde, apprend, fait des heures sup non rémunérées et va rester quatre ans. C’est durant ces années qu’il va devenir lui-même et que le jeune passionné va se transformer en pro. Aux Grands Moulins de Paris, il se plonge dans la magie de la farine, ses origines, ses textures variées en fonction de la température, ses typicités, une matière vivante qu’il aime pétrir jusqu’à tomber d’épuisement. Le travail, toujours. Le MOF, ce titre de Meilleur Ouvrier de France, l’obsède. Il l’aura en 1997 et devient ainsi le plus jeune MOF boulangerie de l’histoire du concours. Il revient chez Lenôtre par la grande porte, directeur de la boulangerie France et étranger, voyage, découvre d’autres pains, d’autres manières de travailler, crée des nouveaux pains, de nouveaux mélanges et il rencontre Pierre-Marie Gagneux. Admiration, respect, complicité, les deux hommes ne vont plus se quitter et vont ensemble franchir le pas de l’achat de la première boutique. « Le Quartier du Pain » ouvre rue Saint-Charles, dans le 15ème arrondissement. Toutes leurs économies y sont passées, Frédéric Lalos ayant même vendu sa voiture. On est en 2001. Aujourd’hui, ils ont cinq boulangeries dans Paris, vont en ouvrir une sixième (rue des Belles Feuilles), et en possède une à Taïwan. Ils fournissent de nombreux restaurants gastronomiques dont Guy Savoy, le Meurice de Yannick Alléno, Lasserre, Taillevent, Hélène Darroze, Jean-François Piège, etc. Gagneux est plus axé sur le commercial du groupe, tandis que Lalos manage et motive ses équipes. Mais Frédéric Lalos, certains matins, ne déteste pas descendre encore dans le fournil avec les premiers arrivants, vers cinq heures du matin. Une passion de jeunesse ne s’oublie jamais.

Frédéric Lalos et Gourmets&Co – Rencontre

Que vous apporte ces accords que vous avez avec certains grands chefs ?
J’aime surtout mes clients réguliers de mes boulangeries mais il est vrai que le travail avec la grande restauration est aussi très enrichissant. Les chefs nous poussent à faire des choses que nous n’aurions pas imaginées, très complexes parfois. Parfois, nous refusons certaines demandes trop particulières, trop pointues comme des petits pains individuels avec un petit chapeau dessus. Mais le plus souvent, c’est passionnant. Tous nos chefs réunis ont 22 étoiles sur Paris. Je crois qu’il n’y a pas mieux, sans prétention aucune.

Peut-on tout mettre dans un pain ?
La créativité n’a pas de limites dans ce métier. On peut tout essayer, surtout avec les liquides comme le Coca, le vin, l’eau gazeuse, le jus d’orange et les écorces qui sont une merveille, mais pas tout mettre car parfois ça ne donne pas un bon résultat.

Il peut donc y avoir des accords pain et mets comme avec le vin ?
Absolument. On ne mange pas le même pain suivant l’acidité, la farine et le goût, avec une sole meunière ou avec une pièce de chevreuil. Chaque mois, nous créons un pain spécialement étudié pour tel ou tel plat et nous l’annonçons dans nos boutiques. En ce moment c’est un pain chocolat/orange, pour éviter le côté gras du pain au chocolat. Pour l’été c’est parfait.

Quel est le premier attrait pour le pain : la vue ou l’odeur ?
Je dirais la vue car l’odeur est éphémère. Le pain sent bon surtout lorsqu’il est chaud.

Doit-on manger du pain chaud car c’est irrésistible ?
Surtout pas ! Il faut laisser le pain se stabiliser après la sortie du four et de plus il n’est pas très digeste encore chaud.

Quelle est votre meilleure vente en boutique ?
La baguette, toujours. Faites avec une farine de tradition qui vient d’Auvergne car la qualité de la farine est essentielle.

Quels sont vos pains typiques ?
La miche au levain, la tourte auvergnate faite avec du seigle, ronde et plate, riche en goût. La barquette céréales. Le Longuet au levain de sarrasin et froment séché.

Quels sont les changements intervenus dans votre métier depuis vos débuts ?
Il est à la fois plus facile grâce à des machines, et plus difficile sur le plan financier à cause du prix des matières premières et des loyers parisiens ou ailleurs. Le climat social est aussi moins bon. Les jeunes ne pensent qu’à arrêter de travailler…Il y a des exceptions heureusement.

Comment voyez-vous l’avenir de la boulangerie ? On mangera toujours du pain.
Il faut rester ambitieux et chercher de bonnes matières premières. On a de plus en plus de mal à trouver des boulangers alors il faut faire attention. La consommation de pain régresse doucement. Ca reste un beau métier pour une personne courageuse.

Je viens un matin acheter trois ou quatre baguettes chez vous. Quel est le meilleur moyen de les conserver ?
Si vous les congelez, il faut les congeler fraîches et enveloppées, papier ou film, car il ne faut pas que le froid touche directement votre pain sinon la croûte s’écaille. Vous le sortez 30 minutes avant de le consommer, à température ambiante. Pas de four. Mais un Meilleur Ouvrier de France ne peut pas vous dire de congeler du pain !

Le Quartier du Pain
74, rue Saint-Charles
75015 Paris
Tél : 01 45 78 87 23

93, rue Raymond Losserand
75014 Paris
Tél : 01 45 42 23 98

207, rue de Vaugirard
75015 Paris
Tél : 01 48 28 78 42

116, rue de Tocqueville
75017 Paris
Tél : 01 47 63 16 28

Boulangerie Lalos
22, rue des Belles-Feuilles
75116 Paris
Tél : 01 47 27 48 17
Fermé le mercredi

104, rue du Point du Jour
92100 Boulogne
Tél : 01 46 20 05 37

www.lequartierdupain.com