Shadow Dancer
Première fiction de James Marsh, cinéaste britannique réalisateur de plusieurs documentaires (Man on Wire, Project Nim), Shadow Dancer s’attaque au sujet ô combien épineux du terrorisme irlandais. Mais plutôt que d’aborder le sujet de façon historique et documentaire, Shadow Dancer est un thriller d’espionnage suivant le destin de Colette, une jeune mère célibataire se retrouvant forcée de devenir un agent double pour le MI5 et d’espionner ses frères.
C’est une des forces d’un film qui a le bon goût de ne pas prendre parti, préférant mettre au grand jour les torts de chacun (la violence fanatique de l’IRA face à la brutalité et aux manœuvres borderline des britanniques). Le revers de la médaille, c’est que cette histoire d’agent double que son agent de liaison tente de protéger à tout prix ici est très peu originale et extrêmement balisée. Si ce n’était pour le contexte historique, finalement peu présent (mis à part dans quelques scènes comme celle de l’enterrement), n’aurait finalement que très peu d’intérêt. On a parfois la désagréable impression d’un film un peu impersonnel niveau scénario, sur lequel on a plaqué de force ce contexte, mais dont l’histoire peut finalement être transposée à peu près n’importe où sans que cela ne fasse de différence. D’autant que mis à part l’héroïne, la plupart des personnages sont très peu développés. On a particulièrement du mal à croire au revirement du personnage de Clive Owen, qui après des années de bons et loyaux services tombe soudainement amoureux de son agent (au bout d’à peine quelques jours !) et décide de mettre en péril toute l’opération pour elle.
Néanmoins, là où Shadow Dancer a un peu plus de personnalité, c’est dans sa réalisation. James Marsh préfère adopter un rythme lent, à base de longs cadrages et d’un décor banal et déprimant (seul le manteau rouge de Colette ressort de la grisaille ambiante). Et si le film est parfois beaucoup trop lent pour son propre bien, il réussit tout de même à intéresser le spectateur et à proposer quelques bonnes scènes. On a cité la scène de l’enterrement, lors de laquelle la tension entre les Irlandais et la police britannique est palpable, on citera aussi la scène de la tentative d’exécution d’un membre de la police britannique, nerveuse et prenante.
Enfin, dernier bon point, le casting est une des grandes forces du film, et James Marsh se révèle être un bon directeur d’acteurs. Dans le rôle principal, Andrea Riseborough est excellente, mélange de détermination et d’hésitation, de courage et de peur. Clive Owen est comme à son habitude impeccable, et arrive même à faire passer les revirements peu crédibles de son personnage. Enfin, impossible de ne pas citer David Wilmot (Les Tudors), effrayant en « exécuteur » de l’IRA chargé de débusquer la taupe, et la trop rare Gillian Anderson, en chef du MI5 manipulatrice et secrète.
Si Shadow Dancer comporte beaucoup de défauts, il n’en reste pas moins un premier film attachant et digne d’intérêt.
Note : 6/10
USA, 2012
Réalisation: James Marsh
Scénario: Tom Bradby
Avec : Andrea Riseborough, Clive Owen, David Wilmot, Gillian Anderson, Aidan Gillen, Domhnall Gleeson
Voisins du Troisième Type (The Watch)
Comédie de science-fiction pour adultes, Voisins du 3e Type signe la rencontre entre trois superstars de la comédie américaine : Ben Stiller, Vince Vaughn et Jonah Hill (bien que les deux premiers se soient déjà affrontés par le passé dans le génial Dodgeball), auxquels s’est rajouté Richard Ayoade, star de la série britannique The IT Crowd. Une somme de talents qui aurait dû donner un summum de comédie. Malheureusement, ce n’est pas le cas (il vaut mieux courir voir Ted, ou revoir 21 Jump Street pour ça), mais Voisins du 3e Type en a tout de même suffisamment sous le capot pour contenter son public.
Voisins du 3e Type met donc quatre beaufs américains (enfin trois, plus un Anglais guindé) aux prises avec une invasion d’aliens voleurs de peau. La différence avec les autres films du genre, c’est que plutôt que d’essayer de convaincre un monde incrédule de l’imminence de l’invasion, les héros décident de lutter seuls, et à leur manière. Ce qui est dommage, c’est que le film ne dépasse jamais vraiment son statut de bouffonnade science-fictionnelle (très) référentielle. Bien que les personnages aient tous droit à quelques jolies scènes de développement (la relation entre Vince Vaughn et sa fille), on peut regretter que Voisins du 3e Type ne tente jamais de s’interroger sous couvert de comédie sur l’existence et le danger de ces milices citoyennes. Avec un peu plus d’audace, le long-métrage d’Akiva Schaffer aurait pu s’inscrire dans la lignée grinçante d’un Observe and Report, auquel il fait parfois penser (le personnage de Jonah Hill ressemblant fortement à celui interprété par Seth Rogen).
Malgré tout, Voisins du 3e Type est plutôt efficace, et souvent très drôle, grâce à l’abattage des quatre acteurs principaux, notamment un Jonah Hill hilarant en psychopathe se prenant pour un héros. Le film aligne un peu trop les gags en dessous de la ceinture, mais certaines références font mouche (notamment un clin d’œil inattendu au Bad Taste de Peter Jackson !) et on rit de bon cœur.
Voisins du 3e Type n’a certes rien de mémorable et ne constitue pas le summum de la carrière de ses talentueux interprètes, mais reste un sympathique divertissement, parfait pour se détendre un samedi soir.
Note : 6/10
USA, 2012
Réalisation: Akiva Schaffer
Scénario: Jared Stern, Seth Rogen, Evan Goldberg
Avec : Ben Stiller, Vince Vaughn, Jonah Hill, Richard Aoyade, Rosemarie DeWitt, Will Forte, Doug Jones
Les Possédés (The Possession)
Réalisateur du petit classique horrifique Le Veilleur de Nuit et de son excellent remake au milieu des années 90, le Danois Ole Bornedal avait un peu disparu du devant de la scène, préférant s’attaquer à d’autres genres cinématographiques et alternant films dans son pays natal et DTV horrifiques pour le marché américain. Les Possédés (titre français assez stupide, vu qu’au final il n’y a qu’une possédée dans le film), produit par Ghost House Pictures, la boîte de production de Sam Raimi, lui donne enfin l’occasion de toucher de nouveau un public plus large.
Suivant la soi-disant histoire vraie (c’est dingue le nombre de films horrifiques tirés d’histoires vraies qui pullulent sur les écrans ces dernières années !) d’un père de famille divorcé dont la fille se retrouve possédée par un démon provenant d’une boîte mystérieuse, Les Possédés n’a rien de franchement original dans son scénario. On pourrait même dire que le film s’applique consciencieusement à suivre à la lettre le petit manuel du film d’exorcisme : famille en crise avec père absent qui a soudain la responsabilité de sauver sa gamine, personnage subissant des mouvements corporels impossibles, attaque d’insectes, possédée qui parle une langue inconnue et devient de plus en plus agressive, héros non croyant obligé de faire appel à un homme de Dieu, tout y passe…
Mais malgré une intrigue prévisible et des rebondissements téléphonés, Les Possédés se laisse plutôt bien suivre, principalement grâce à son rythme soutenu. Tout le mérite en revient à Ole Bornedal qui, conscient des limites du script qu’il met en scène, privilégie l’efficacité et plonge rapidement dans le vif du sujet. Aidé par un casting solide (Jeffrey Dean Morgan et la jeune Natasha Calis en tête), le réalisateur danois arrive même à provoquer quelques sursauts à des moments-clés. Cela ne fait pas des Possédés un grand film ni même un film mémorable, mais un spectacle correct parvenant à divertir le temps de la projection.
Note : 5.5/10
USA, 2012
Réalisation : Ole Bornedal
Scénario : Juliet Snowden, Stiles White
Avec : Jeffrey Dean Morgan, Natasha Calis, Kyra Sedgwick, Madison Davenport
The Imposter
The Imposter est un documentaire américano-britannique relatant l’histoire vraie de l’hallucinante supercherie mise au point par le Français Frédéric Bourdin, 23 ans, pour prendre la place d’un adolescent américain disparu plusieurs années auparavant. Une histoire qui a déjà été adaptée au cinéma sous forme fictionnelle par le réalisateur français Jean-Paul Salomé dans le film Le Caméléon.
Pour relater cette édifiante histoire, le réalisateur Bart Layton a choisi la forme hybride du documentaire pimenté de scènes reconstituées. Un pari casse-gueule qui aurait vite pu faire tomber le film dans le ridicule (on a tous en tête ces mauvais reportages ultra dramatisés dont nous abreuve la télé à longueur de temps). Mais heureusement, Layton a l’intelligence de ne pas abuser de la reconstitution et de ne s’en servir que comme d’un support pour dérouler son histoire sous forme d’un thriller policier haletant. Les scènes rejouées sont ainsi souvent assez courtes et muettes, Layton les utilisant de façon purement illustratives en plaquant les témoignages des vrais protagonistes dessus. Une technique payante, puisque The Imposter se révèle bien vite passionnant, à mesure que l’on découvre l’étendue de la supercherie de Bourdin et que les doutes sur les raisons ayant poussé la famille Dollarhide à l’accueillir chez eux font surface. Le plus étonnant, c’est qu’au final on a plus l’impression de regarder un thriller hollywoodien qu’un documentaire, tant cette histoire est incroyable. On pense bien évidemment au magnifique L’Echange de Clint Eastwood, mais aussi au tétanisant The Pledge de Sean Penn, avec ce détective privé haut en couleurs obsédé par la disparition du jeune Nicholas.
Sans en faire trop dans le pathos, Layton dresse petit à petit un portrait fascinant de Frédéric Bourdin et de la famille Dollarhide, et de leurs fêlures respectives. Le réalisateur évite aussi soigneusement de prendre parti et de donner des réponses tranchées à ce qui reste encore à ce jour une affaire non résolue. A la place, il se contente de proposer plusieurs pistes permettant au spectateur de se faire sa propre opinion. Surprenant à bien des égards, The Imposter est un documentaire sortant définitivement de l’ordinaire et se révélant proprement passionnant.
Note : 8/10
Royaume-Uni, USA, 2012
Réalisation : Bart Layton