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Délation vertueuse ?

Publié le 07 septembre 2012 par Réverbères
Délation vertueuse ?© Istockphotos
Ainsi donc, la chaîne Casa, en Belgique, invite son personnel à dénoncer tout acte délictuel d’un autre membre du personnel, dont il aurait connaissance. Chacun est encouragé à dénoncer ses collègues qui auraient volé de l'argent ou des marchandises, octroyé une remise à un ami, ou qui n'auraient pas presté leurs heures de travail… Gros scandale apparemment, qui me laisse perplexe.
La délation, c’est quelque chose de mauvais. Wikipédia le dit d’ailleurs : la délation est une dénonciation méprisable et honteuse. Elle consiste à fournir des informations concernant un individu, en général à l'insu de ce dernier, souvent inspiré par un motif contraire à la morale ou à l'éthique et donc honteuse. On m’a toujours dit et fait sentir que raccuspoter, cela ne se faisait pas ! Dénoncer une bêtise commise par quelqu'un d'autre est ignoble. On dit d'ailleurs que la raccuspote est sans culotte ! Dans ma carrière d’enseignant, j’ai d’ailleurs toujours admiré – quoiqu’elle m’énervait – la solidarité entre enfants qui faisait qu’on ne disait surtout pas quel était l’auteur du petit méfait, malgré toutes les tentatives de séduction et/ou de menace des professeurs !
D’accord, la solidarité, c’est très bien. C’est même peut-être la seule valeur qui en vaille la peine. Mais si j’étais témoin d’un crime – prenons comme exemple imaginaire celui de cette horrible histoire en Haute-Savoie – et que je connaisse l’assassin, qu’il soit même peut-être mon ami, devrais-je me taire ? Ne serait-ce pas ce silence qui serait alors honteux et méprisable ? L’exemple est fort, bien sûr. Mais jusqu’où faut-il être solidaire des conneries des autres ? J’avoue que je n’en sais rien.
Dénoncer un collègue qui vole ou roule l’entreprise dans laquelle je travaille n’est-il pas en réalité un acte naturel au service de l’intérêt collectif plutôt qu’à celui d’un individualisme nocif ? Le mot « délation » fait peur, bien sûr, parce qu’il est connoté négativement. Mais pourquoi faudrait-il « protéger » celui qui fait le mal sous le prétexte que c’est mon collègue ?
Ne soyons pas bégueules : inciter à dénoncer les méfaits des autres peut conduire malheureusement à en inventer pour le plaisir de les dénoncer. Les règlements de compte entre collègues risquent de trouver là une voie royale pour leur épanouissement injuste et nauséabond. C’est un risque, j’en ai bien conscience. Mais cela change-t-il vraiment quelque chose sur le fond ?
Plus que jamais, je n’ai pas de réponse définitive à toutes ces questions. La seule réponse au bout du compte est au niveau de l’éthique personnelle. Celle-ci se fonde sur des valeurs, des histoires, des souffrances, des bonheurs… Personnellement, si j’étais cadre dans la société Casa, je ne crois pas que j’aurais incité les membres du personnel à dénoncer leurs collègues malfaisants, mais peut-être aurais-je trouvé utile de les informer que s’ils voulaient le faire, ils pouvaient toujours s’adresser à tel numéro de téléphone ou à telle adresse électronique. Cette nuance est-elle hypocrite ? À vous de le dire…

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