Ce résumé ne rend pas compte du dixième de la richesse de ce roman que j’ai aimé à l’égal du Monde selon Garp et davantage que Dernière nuit à Twisted River et que L'hôtel New Hampshire. On y trouve les mêmes ingrédients biographiques de l'auteur au père inconnu, à la mère si indépendante et originale, à la jeunesse sportive dans ces états proches de la frontière canadienne où il côtoyait les coupeurs et transporteurs de bois, les héros de son dernier roman. On y retrouve son humour, la précision dans les moindres détails et surtout le décalage burlesque des petits évènements qui prennent vite d'étranges proportions comme les robes de cocktail portées par sa grand-mère pour jardiner dans sa roseraie car elle n'avait plus l'intention de les mettre pour sortir et qu'elle jetait quand elles étaient sales plutôt que de les faire nettoyer au pressing afin que personne ne se demande ce qui les rendait si crasseuses, et Irving de conclure:
De ma grand-mère, j'ai appris que la logique est une notion relative.Owen est un personnage que je ne pourrai plus oublier désormais. Voici ce qui en est dit, ici et là:
Owen est un type beaucoup trop bien pour ce monde pourri.
Sincèrement,je ne pense pas qu'Owen fût aigri... mais il pensait que Dieu lui avait assigné un rôle qu'il était impuissant à modifier, le sentiment de son propre destin, sa conviction d'avoir une mission lui ôtaient toute joie de vivre. L'éte 1962, il n'avait que vingt ans,mais dès l'instant où on lui apprit que John Kennedy 'se tapait" Marilyn Monroe, il cessa de faire quoi que ce soit pour le plaisir.Comme pour tous les grands romans qui restent mes préférés, j'ai eu bien du mal à quitter ces personnages et malgré ses 699 pages en livre de Poche, j'aurais aimé continuer à suivre leur parcours, fût-ce au Paradis où Owen se voyait si bien en archange. Mais les chefs d'œuvre de ce genre n'ont pas de suite comme les séries actuelles qui se multiplient avec entrain. La fin est belle qui rejoint le commencement du récit:
Quand nous tenions Owen au-dessus de nos têtes , quand nous nous le passions de l'un à l'autre - sans le moindre effort - , nous croyions qu'il ne pesait rien du tout. Nous ignorions que d'autres forces participaient à notre jeu. je sais aujourd'hui que ces forces contribuaient à nous faire croire qu'Owen ne pesait rien; c'étaient les forces que notre scepticisme nous empêchait d'admettre, les forces en lesquelles nous négligions de croire - et elles soulevaient aussi Owen Meany, nous l'arrachant des mains. Je ne cesserai jamais de te le demande: O Dieu, par pitié, rends-le-nous!Une prière pour Owen de John Irving (Points, 699 pages, Traduit de l’américain par Michel Lebrun, Seuil, 1989)
Le roman lui-même est présenté brièvement par Nicole Moulinoux dans une étude des plus intéressantes.
Lecture commune avec Valérie etTiphanie. + participation au challenge Irving de ValCe sera aussi mon Pavé de l'été chez Brize