Ce mercredi, le conseil des ministres examinait un projet de loi sur la cession, « éventuellement gratuite », de terrains de l’Etat aux collectivités locales afin de relancer la construction de logements sociaux et de rattraper une partie du déficit accumulé en la matière. Alors que l’Etat ambitionne de construire au travers de cette mesure, 500 000 logements par an, dont 150 000 sociaux, certaines collectivités se refusent toujours à voir le lancement de programmes de « logements aidés » sur leur territoire, préférant à cela, le paiement d’une amende.
Ce n’est pas qu’elles ne peuvent pas construire, que le stock des terrains à bâtir soit épuisé ou que la demande en matière de logements sociaux soit inexistante. C’est simplement qu’elles ne veulent pas. Derrière ce déni public, idées reçues et autres fantasmes populaires continuent d’habiter les têtes des administrés de certaines communes encore largement épargnées par la présence sur leur circonscription, de logements dits sociaux.
Lorsque l’on évoque la question du logement social, il faut parfois s’attendre à encaisser d’intéressantes réflexions, comme autant d’idées reçues ou d’archaïsmes culturels.
1. Logement social et Grands ensembles : même galère
« J’ai vu à quoi ça ressemblait le logement social. C’est comme ces tours et ces barres dégueulasses de la banlieue parisienne qu’on voit à la télé. Des fois, ils mettent du bois pour faire écolo. Mais on n’est pas cons. On sait bien que derrière le bois y’a du béton. Et que derrière le béton y’a des mecs qui dealent de la drogue et qui violent des filles parce qu’elles s’habillent pas comme le dit la religion de chez eux. Je veux pas de la banlieue et des racailles à côté de chez moi, j’ai déjà assez des gosses du voisin qui brûlent les chats de ma femme». José. Portugais millionnaire à Mandelieu.
Trop souvent encore, le logement aidé partage-t-il la métaphore avec ces territoires qui l’on vu croître au lendemain de la seconde guerre mondiale et qui connaissent depuis les années 80, une crise profonde de leur modèle. Pourtant, cela fait un moment que le logement social a franchit les frontières des zones urbaines sensibles pour coloniser l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, seuls ¼ des logements HLM se situent ainsi au sein d’une ZUS.
Un ensemble de logements sociaux. Dans les recherches Google Image pour « logement social », les évocations ne sont en général pas très flatteuses
2. Des pauvres, des beaufs et des nuisances
« Le logement social, c’est plein de gens bizarres. Des pauvres pour la plupart qui ne peuvent pas habiter ailleurs. Les pauvres aiment la musique forte, surtout si c’est du rap romantique. Ils font beaucoup d’enfants, parce que ça les aides à gagner des sous et à toucher les allocs pour acheter l’écran plat qui va bien dans la chambre. Les pauvres ont des femmes trop maquillées pour ouvrir les yeux. On les voit les mercredis après midi au Liddle du coin. Elles achètent des bières pour leurs maris et les potes de leurs maris pour qu’ils aient à boire lorsqu’ils font leur concours de tuning en bas de l’immeuble. » Ambre. Lycéenne au rabais à Neuilly sur Seine.
Pour certains, le logement social n’abriterait que les plus fragiles d’entre nous, les exclus, les travailleurs pauvres et les familles nombreuses en situation de grande précarité. Une fausse croyance qui pousse par ailleurs certains publics à ne pas faire de demande alors qu’ils seraient potentiellement éligibles. Soit parce qu’ils s’estiment à tort, trop favorisés, soit parce qu’ils redoutent la cohabitation avec des populations en trop grande difficultés, nous rappelle l’Union Sociale pour l’Habitat.
3. Un fardeau pour le contribuable
« Le logement social on sait pour qui c’est destiné. C’est toujours les mêmes. Ceux qui en foutent le moins et qui se permettent de vivre sur le dos de la société et des gens qui travaillent sans compter leurs heures. Alors en plus de leur payer leur bouffe bon marché ou leur jeu de PES, il faut aussi qu’on leur paie un toit… Moi je suis parti de rien et je me suis fait tout seul, sans l’aide des cotisations. Et aujourd’hui, regardez ou j’en suis ! » Patoche. Self Made Man creusois.
En partie méconnu, le système de financement de l’habitat social laisse parfois à penser que c’est l’Etat, et donc le contribuable, qui participe à la réalisation des programmes de logements et par la suite, à leur entretien. Dans les faits, le logement social reste d’abord financé par l’emprunt. En 2010, pour un coût moyen du logement à la construction de 142 000 euros, l’emprunt représentait 105 000 euros. Cet emprunt, contracté par les organismes HLM (publics et privés) auprès de la Caisse des dépôts sur la base des ressources issues du livret A, s’étale généralement sur des périodes de 30 à 50 ans. Pour le reste, se sont les fonds propres, c’est-à-dire les loyers des logements existants et les subventions diverses (1% logement, collectivités locales, etc.) qui contribuent au financement de l’habitat social. Au final, l’Etat, ne contribue qu’à hauteur de 12% de ces apports sur la construction d’un logement (Source Action logement).
Part des différents financeurs et outils de financement dans la construction d’un logement social (Action Logement)
4. Des riches dans les logements sociaux
« Il y a des pauvres, mais il y a aussi des riches. L’autre jour j’ai vu qu’un type, genre politique corrompu, habitait un super logement social. Un de ces logements qui composent les 4% du parc social de la ville de Sarkozy. D’un côté il y a des gens aisés qui vivent confortablement dans un logement social, et de l’autre, il y a des familles qui attendent depuis des années de pouvoir en intégrer un. » Marie. Bobo du 19ème arrondissement parisien.
L’idée selon laquelle il y aurait trop de ménages aisés ou très aisés vivant en HLM n’est pas tout à fait fausse. En 2010, une enquête de Profession Logement révélait ainsi que 53 000 ménages français appartenant aux 10% des foyers les plus riches habitaient un HLM. Cette situation s’explique en partie du fait que les ménages concernés ont souvent intégré leur logement au moment ou leurs revenus étaient moins élevés. Et comme la loi tient pour principe le maintien dans le logement social, la plupart y sont restés malgré l’évolution de leur situation financière. Dans les faits, ces ménages payent ce que l’on appelle un surloyer ou supplément de loyer de solidarité. Un constat qui demeure cependant loin d’occulter la réalité des choses et les 60% de ménages logés en HLM dont les revenus se tiennent inférieurs à 60% des plafonds de ressources PLUS (1070 euros pour une personne seule en province, ou 2070 euros pour un couple avec deux enfants.
Source : Union Sociale pour l’habitat
Mots-clés : Financement, grands ensembles, idées reçues, logement social, pauvres, précarité
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