Source : RespectMag 04/09/2012
Ajat Monet: «Les gens ont faim de poésie»
4 Septembre, 2012 Par:Ludovic Clerima
Du 14 septembre au 10 novembre, Dorothy’s Gallery soutient le candidat démocrate américain en organisant l’Obama’s America : une série d’événements culturels afin de mettre en lumière la diversité artistique des États-Unis. Aja Monet, poétesse afro-américaine, fait partie des artistes programmés. Interview.
Comment êtes-vous arrivée à la poésie ?
Je suis devenue poète à 14 ans, mais j’écris depuis l’école primaire. C’était l’un des seuls domaines où l’on me disait que j’avais du talent. Cela dit, écrire un roman m’effraye encore. La poésie ouvre de nouveaux horizons et renvoie aux questions existentielles. Elle crée du sens dans ce monde complètement tordu.
La poésie peut-elle avoir une visée politique ?
Bien sûr, elle touche le cœur des hommes et pénètre dans les esprits. Des milliers d’artistes engagent leurs arts dans la politique. Ils n’ont pas le choix. Nous ne sommes plus une classe à part. L’artiste est aussi là pour aider les gens à faire face au système. Mais il faut être précis avec la définition du politique. Cela ne se réduit pas à aller voter pour un démocrate ou un républicain. Lorsqu’un jeune Noir marche dans la rue et que les autres éprouvent à son égard de la peur ou du dégoût, c’est politique.
Votre participation à l’Obama’s Day ?
Une manière d’encourager les gens à avoir des discussions critiques sur la manière dont la politique affecte nos vies. Je ne sais pas encore quels poèmes je réciterai. Certains parleront d’amour, d’autres de la jeunesse. Je suis sûre d’une chose : les gens ont faim de poésie mais ne le savent pas encore.
Aujourd’hui, nous sommes moins dans une lutte des races que dans une luttes des classes. Prendre part à cet événement, c’est chercher une issue à l’affrontement qui se profile. Je crois en la force des mots comme Liberté ou Egalité. Or aujourd’hui, des enfants meurent dans l’Ohio parce que leurs parents ne peuvent pas payer leurs soins. Je ne voudrais pas devoir quitter les États-Unis pour la France, juste pour me soigner. Nous méritons d’être traités comme des êtres humains, de bénéficier de soins médicaux, aussi bien les riches que les plus pauvres.
Nous allons également évoquer la condition de la culture et de l’art, méprisé aux États-Unis. De nombreux créateurs se retrouvent à vendre des T-shirts pour survivre. L’art est devenu un travail comme un autre qui doit rapporter. Si on ne gagne rien avec ses œuvres, on est obligé de trouver un petit boulot au plus vite. À Paris, vous avez encore des artistes à chaque coin de rue. Chez nous, l’art se meurt.
L’exposition est sous-titrée : les mille visages de l’Amérique…
Ce titre montre que l’Amérique n’est pas figée. Il y a plus d’un millier de visages aux États-Unis. Nous sommes tous fils ou filles d’immigrés. Il existe une diversité culturelle qu’on ne voit nul part ailleurs.
Quelles conséquences pour le peuple américain si Mitt Romney est élu dans quelques semaines ?
Je ne veux même pas y penser. Y croire serait admettre que cela peut arriver… Ce serait pire qu’avec Bush, pire que ce que vous avez connu avec Sarkozy.
Obama était un symbole. Une métaphore. Il avait besoin d’exister pour que l’on sache que les leaders pouvaient venir d’une autre culture, avoir une autre couleur. Tout le monde pensait qu’après son élection, il y aurait un grand changement. Ce n’est pas arrivé, mais il a essayé. Les gens ont pu réaliser que ce n’était pas à cause de la couleur de sa peau qu’il a échoué, mais parce que le système mis en place est figé. Une mécanique qui favorise le corporatisme et la finance. Il ne faut pas oublier qu’Obama n’est qu’un homme, ni meilleur ou pire qu’un autre. Ce n’est pas Jésus. Juste quelqu’un qui souhaite changer le monde.
> Retrouvez Ajat Monet le 12 octobre dans le cadre du festival “Obama’s America” du 14/09 au 10/11/2012 à Dorothy’s gallery, 27 rue Keller, 75011 PARIS.
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