Magazine Culture
Editeur : Philippe Rey - Date de parution : Août 2012 - 287 pages et un rendez-vous raté...
Ce roman est initiatique à plus d’un titre. A travers le personnage de travers Carl Vausier, adolescent à Port-au-Prince dans la fin des années 1970, l'auteur aborde de nombreux thèmes. Carl compte assouvir sa soif de quête sexuelle. Il s'agit d'un adolescent comme tant d’autres animé par le désir d’explorer ce territoire inconnu qu’est le sexe. Alors qu'il s'adonne à des plaisirs solitaires dans la bibliothèque de son père, seul lieu de la maison offrant une intimité, son père le surprend. La honte d'avoir désobéi à ce père qu'il respecte et qu'il craint ne le quittera plus. Carl poursuit son apprentissage dans les quartiers malfamés de la ville et s'offre le plaisir monnayé dans les bras des prostituées. Ces dernières lui racontent des histoires où les personnages semblent être à la croisée des chemins du réel et du conte. Doté d’une belle plume et d’un imaginaire foisonnant, ses parents l’encouragent dans la voie de l’écriture. C’est d’ailleurs par le bais d’échanges épistolaires où chacun doit garder l’anonymat que les sentiments vont voir le jour. Alors qu'il ne connait que l'amour purement charnel et instinctif, il tombe amoureux de la jeune fille qui signe Cœur Qui saigne avant même de l’avoir vue. Le jeune homme timide et mal à l'aise dans sa peau brodera un autre Carl plus beau et plus confiant. Ayant peur que sa supercherie éclate au grand jour, leur premier rendez-vous sera un désastre. Il préfère oublier la jeune fille mais c’est sans compter sur le destin.
Quelques années plus tard alors qu'il est devenu journaliste, il la retrouve prisonnière d'une promesse qu'elle a faite à sa sœur défunte. Un serment qui tient lieu de sacrifice de sa vie. Carl va tout mettre en œuvre pour la dissuader mais sans succès. Leur amour grandit. Un amour impossible et surveillé par les sbires de Duvalier car l'homme à qui s'est fiancée la jeune fille est devenu l'un des leurs. Dans un pays exsangue, terrorisé et où tout manque, son père décède à son arrivée aux urgences d’un hôpital situé à 333 mètres du bureau du dictateur. Cette distance deviendra une obsession, une source de colère intarissable pour Carl.
L'apprentissage de l'amour tient une place importante dans ce livre au récit non chronologique. Mais je dois dire qu'il m'ait souvent apparu souvent ennuyant. Les conditions du pays sous Duvalier sont empreints de révolte. La jeune fille qu'il aime sera une victime de la barbarie et son père trouvera la mort faute de personnel soignant et de moyens. L'écriture permet à Carl d'effectuer un travail sur ses sentiments et ses réflexions. Il tente de mettre noir sur blanc sa relation avec son père comme pour s'affranchir d'une honte qui lui colle à la peau. La figure maternelle est quasi absente et j'ai trouvé dommage que l'auteur ne lui accorde pas une place plus importante. La pudeur, la fierté et la crainte envers le père de Carl sont décrits avec une beauté drapée dans les mots.
Mais voilà, j’ai trouvé que l’écriture travaillée où rien n’est laissé au hasard l’emportait souvent sur l’émotion. Et il m’a manquée la musique qui d’habitude accompagne cette écriture et ce phrasé. Malgré de nombreuses qualités, je n’ai pas réussi à m’immerger entièrement dans ce texte. Dommage.
De cet auteur, j'avais aimé Le sang et la mer.
Le billet d'Yv pour qui ce livre est un coup de coeur.
Merci à Libfly pour cette opération "On vous lit tout".