“Ecrire pour la retrouver cachée derrière une phrase. Comprendre pourquoi elle m’a jetée par-dessus bord, oubliée dans le placard de son ancienne chambre, éparpillée dans ses albums photo où de vieux clichés en noir et blanc prennent la poussière.”
“Je me créai un monde rempli de fantômes, ils étaient là, je pouvais les faire revenir, ils revivaient dans son écriture. Seule ma mère, se heurtant à une porte invisible, restait sur le seuil.”
Ce récit, teinté de nombreux éléments autobiographiques, est l’histoire d’un désamour, celui d’une fille pour sa mère et vice-versa. A quinze ans, la mère de la narratrice quitte le domicile familial pour retrouver son amant, un artiste quelque peu illuminé et somme toute assez ridicule. Après avoir été adorée et choyée par sa mère, l’adolescente se retrouve donc en proie à une immense solitude.
Nathalie Rheims décrit une famille assez particulière, richissime, composée de banquiers ou de prêteurs sur gage, mue par la trinité “froideur – distance – indifférence” et régie par les bienséances et la double divinité du silence et du secret, bien qu’en apparence les meubles soient toujours sauvés. La parole s’apprend pour les enfants, en même temps que le silence. Les dysfonctionnements de cette famille n’aident pas pour autant la jeune fille à se reconstruire et à appréhender une nouvelle vie. Elle se réfugie peu à peu dans la lecture des pièces de Molière et perd goût à la vie.
C’est bien le thème de l’abandon, destructeur puis fondateur, qui est omniprésent dans ce roman. La maternité semble peu peser face à l’amour fou, celui qui rend aveugle, qui manipule peut-être. Comment accepter de perdre un être cher, alors qu’il vit à quelques pas de notre domicile, surtout si celui-ci est notre propre mère ?
Si le récit est sans pathos, l’écriture mordante, la lecture n’en est pas moins dépourvue d’émotions.
Nathalie Rheims, Laisser les cendres s’envoler, éditions Léo Sheer, Août 2012, 19 euros