Un beau salaud !
Dans cette collection “Les Affranchis”, qui invite les auteurs à “Ecrire la lettre qu’ils n’ont jamais écrite”, Romain Slocombe choisit d’écrire une lettre de confession, qui permet de partager les réflexions et l’intimité d’un homme instruit, un écrivain loué par la critique et membre de l’Académie française. Ce courrier extrêmement personnel permet d’entrer dans la vie familiale complexe d’un héros de la Première Guerre mondiale et d’un père de famille qui tombe éperdument amoureux de cette belle-fille dont il se rapproche beaucoup trop lorsque son fils part rejoindre la résistance à Londres.
Mais ”Monsieur le Commandant” est surtout une lettre de dénonciation écrite par un pétaniste convaincu, un antisémite et un collabo zélé, partisan d’un rapprochement entre l’Allemagne nazi et cette nation française gangrenée par les juifs, protestants, métèques et francs-maçons, qu’il considère responsables de la dégradation de son pays. Slocombe n’invite donc pas seulement à se glisser dans la peau d’un homme distingué qui manie la plume avec une aisance qui séduit, mais également dans celle d’un monstre qui utilise son talent pour étaler sa haine envers les juifs.
Seul ombre au tableau de ce type immonde qui défend des théories détestables: celle qu’il aime est juive! Partagé entre cet amour interdit et un antisémitisme viscéral, l’homme exerce une certaine fascination sur le lecteur, mais également une répulsion écoeurante.
Cette histoire qui se déroule pendant l’Occupation s’avère prenante de la première à la dernière page et multiplie les rebondissements, jusqu’à cet épilogue qui abandonne le lecteur avec une seule pensée: mais quel salaud ce type!