Lecture commune avec Sandrine et Canel
L’amitié, quand on est enfant ou adolescent, on la jure à la vie à la mort. Innocent et pas encore trop abimé par la vie et désillusionné, on est certain qu’elle durera toujours et que jamais les relations de confiance, de fusion totale, de compréhension mutuelle, de partage et d'entraide ne pourront changer. Nous qui sommes adultes savons malheureusement qu’il n’en n’est rien et qu’il est extrêmement rare de garder une amie d’enfance, sans que la vie et ses aléas nous séparent...
Sophie, quand elle a rencontré Deya, fût fascinée d’office et décida sur le champ de tout faire pour devenir son amie. Il faut dire que Deya était totalement fascinante aux yeux de la petite provinciale aussi mal-aimée que mal dans ses baskets : belle, libre, insolente, sans tabou, extravagante et sans gène puisqu’habituée depuis sa plus tendre enfance à un monde totalement différent, ayant déjà voyagé… Un monde les sépare mais les deux adolescentes vont devenir inséparables et bientôt même habiter ensemble, dans l’immense hôtel particulier de la famille de Deya, en plein Paris.
C’est avec émotion de Sophie revient sur les pas de son enfance huit ans plus tard, brisant ainsi son exil depuis sa rupture avec son amie. Elle la retrouvera cependant telle qu’autrefois, et n’aura de cesse de ne plus la quitter, délaissant sans regret son terne mari, sa maison de province et un métier qu’elle n’aime pas. Mais les caractères sont plus appuyés avec les années et les différences entre les deux femmes sont maintenant des gouffres, que peut-être il sera difficile de combler. Elles vont pourtant se décider à partir à la recherche de la mère de Deya au fin fond de l’Afrique, emmenant avec elle le bébé de Deya. Une aventure au bout du monde, et au bout d’elles-mêmes, qui révèlera bientôt leurs antagonismes…
J’ai eu un peu de mal à m’attacher aux personnages de cette histoire, qui pourtant m’a bien plu. Sophie est plutôt psychorigide et on sent que les blessures de la petite enfance ont laissé des traces indélébiles sur le caractère de cette femme et sur sa stabilité psychique. Celle de Deya ne paraît pas bien plus solide, puisqu’elle est une mère totalement irresponsable et semble d’ailleurs l’être dans tous les aspects de sa vie. On se laisse pourtant prendre par l’histoire car on aimerait bien comprendre pourquoi les deux amies inséparables se sont brouillées huit ans plus tôt, on voudrait deviner ce qui aurait pu les séparer. Par contre, elles sont si différentes, et avouons-le, bien fracassées de la cafetière toutes les deux qu’on a d’emblée du mal à croire que cette amitié-là puisse durer éternellement… Et on ne se trompe pas, même si je n’avais pas du tout imaginé la fin !
Un bon roman au final, avec une présentation délicate de la folie qui rode en sous-main, non identifiée et peut-être encore même plus dangereuse. Et surtout de très beaux portraits de doux dingues, comme les deux héroïnes ou la famille de Deya. Festin de miettes m’a fait penser à un film sur le même sujet, mais impossible de me souvenir lequel…