Le poème de la semaine

Par Claude_amstutz
Je viens de loin la mer
la mer pourtant au plus près
je viens peut-être de nulle part de nul endroit au monde
je viens toujours très tôt quand le petit jour
se lève à peine que la nuit tient encore debout
je viens plutôt lentement mais je viens
j'arrive en somme j'arrive enfin
le sourire au coin des lèvres et les yeux tristes
je viens par effraction je viens par soustraction
toujours exact sur les lieux
du crime du rendez-vous
l'air parfait l'allure impeccable
je viens j'arrive je me rends
je viens j'arrive je me rends
Nul repos dans les marges
Je viens et je me rends à l'évidence
à l'heure et au jour dits
sur les lieux communs
de notre improbable malheur incessant
je viens par accumulation par distraction
je viens en petits morceaux
je viens en pièces rapportées
plus on me repousse et plus je viens
plus ma présence s'impose
je viens pour voir pour dire pour boire
je viens pour être dans votre collimateur
je viens et comme par miracle j'entre en vous
j'entre en vous en elles aussi
elles me reconnaissent elles sont toutes là
un point de rendez-vous
hélas je n'ai pas beaucoup de temps
devant moi
pas beaucoup de temps pour voir
pour dire et pour boire
pas beaucoup non plus pour vous chérir mes chéries
Nul repos dans les marges
 
Et nulle fatigue
nulle manière de lassitude
puisque je viens à l'aube
toujours discrète toujours muette
je viens par émotion je viens par sensation
je viens cracher dans la soupe
et saisir la balle au bond
la date de mon infraction n'est pas la mieux indiquée
l'heure juste reste celle de mes plus lopintains naufrages
je viens d'en haut je viens d'en bas
je viens d'une planète inventée recyclée démodée
mais d'une planète répertoriée
je viens et j'attends
je garde pour moi les regrets
je laisse l'aube dissoudre les monstres
je viens je vais et je viens
je viens puis j'attends
Nul repos dans les marges
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle